Lecture en commun - Nancy Huston : Lignes de faille

Nezumi a écrit:

En même temps je comprends mieux Sadie maintenant. La recherche des origines qui tourne à l'obsession...

oui.. et non
je la comprends.. mais cette obsession me fait peur.. elle est un peu de trop - surtout si Erra elle-même ne veut rien savoir - pourquoi elle fait une telle fixation sur le fait de trouver/savoir..

Nezumi a écrit:

Un moment très beau et poétique est celui où Randall "accompagne" Erra au piano...J'imaginais très bien.

ah oui.. très beau moment..
et tu es déjà au moment où Randall tombe amoureux.. j'adore aussi

Je n'en suis pas encore là, mais pas loin...

Nezumi a écrit:

Je n'en suis pas encore là, mais pas loin...

on va se voir alors demain pour tes impressions là-dessus

Nezumi a écrit:

Je ne comprends pas comment Randall, avec des gens aussi extra autour de lui, a pu se transformer en homme aussi chauvin et étroit d'esprit...

Oui le décalage entre Randall enfant et Randall adulte est saisissant... C'est drôle car dans les parents de Randall, c'est le père qui est "cool" et qui veut le faire profiter de la vie alors que sa mère veut plutôt faire attention à ce qu'il soit bien éduqué, et Randall enfant en est très conscient... Mais ensuite il reproduit le schéma inverse dans son couple : c'est lui qui râle lorsque sa femme passe tous les caprices de Sol. Mais je pense qu'on va comprendre son évolution en continuant à lire...

En tout cas on respire enfin à lire l'enfance de Randall après celle de Sol

Aeriale a dit:

Citation :

Je trouve que la construction de ce roman est d'une grande maîtrise

L'auteur est d'une extreme habilite dans la decouverte de l'histoire-sujet et le psuchisme des personnages, tout est magnifiquement justifie!
En ce qui est pour Sol, c'est un petit sociopathe qui va devenir un garnd sociopathe! La violence, la sterilite de la vie des temps modernes qui obsede beaucoup de monde, le virtuel, les fiction et les fixations - tout cela explique bien ce qu'il y a dansla tete de ce petit demon. Mais je trouve que sa mere y est pour beaucoup de chose. La vie ne s'apprend pas dans les cours d'autoedification ou sur Internet ou en consultant des medecins.
Le chapitre sur Randall est un merveilleux recit d'un petit garcon intelligent et solitaire, delaisse par sa mere. Il y a pas mal de freudisme dans le livre, mais cela passe d'une maniere tres agreable.
Je lis sur Sadie, la aussi, c'est super interessant - maintenant c'est par les yeux d'une fille!

Bien d´accord avec Orientale à propos de Sol:

Citation :

Mais je trouve que sa mere y est pour beaucoup de choses

Et puis, Nancy Huston qui choisit 2 mères opposées :
Celle de Randall (presque absente), et Tessa, celle de Sol, carrément abusive, mère-poule, névrotique sur les bords.
Qui dit mieux?

Je suis un peu plus avancée dans la partie de Randall... J'adore vraiment, parfois j'ai la gorge serrée tellement c'est beau et poétique... La magie des mots de Mercedes, le voyage avec le père et son ami dramaturge, les leçons d'hébreu, tout ça est tellement simple et beau à la fois, et en plus décrit par les yeux de l'enfance, un regard à la fois innocent et pourtant tellement lucide... Le résultat est merveilleux.

Je crois que je suis définitivement conquise par l'écriture de Nancy Huston

Je viens de finir la partie "Sadie" - c'est encore plus touchant que "Randall", plein de tendresse, ca m'a presque fait pleurer. Nancy Huston est un grand psychologue, le moindre detail dans le livre est pour determiner les personnages.

Les grands-parents chez qui Sadie vit, sont aussi desagreables que la mere de Sol, autrement, bien sur. Maintenant je prefere Tessa a eux, elle au moins etait pleine d'amour pour son fils, un amour mene au paroxisme. Les grands parents canadiens de Sadie sont de vrais vieux sadiques moraux, on a l'impression qu'ils se vengent sur Sadie pour avoir rate l'education de Kristina, leur fille adoptive.

Je ne pourrais pas encore dire pourquoi cette enorme haine pour Kristina.

Mais dans la partie 3 du livre on sent deja le tragique approcher a grands pas.

Je suis dans le chapitre de Randall . Et c'est flagrant la différence déjà avec son fils !

Citation :

Mais ensuite il reproduit le schéma inverse dans son couple

Je ne trouve pas tant que ca en fait.
Il a l'air quand même plus cool que sa femme : niveau vocabulaire, humour, attitude, Randall est beaucoup moins protecteur que sa femme. Et je trouve qu'il ressemble un petit peu à son père qui le laissait ne pas prendre des douches tous les jours ou ne pas se laver les mains.
Alors que Sadie, même en étant une mère absente, est quand même très stricte dans son attitude.

Par contre je trouve qu'il y a déjà des croisements entre l'histoire de Sol et celle de Randall et c'est surprenant.
Non seulement au niveau des évènements (par exemple le pique-nique par terre qui est fait avec AGM, raconté par Randall à son fils dans l'histoire de Sol, et raconté par Randall quand il le vit), mais aussi au niveau des expressions qui sont utilisées.
Il y a quelques passages, oà la tournure de phrase, ou simplement l'enchainement des mots utilisés est identique à l'histoire de Sol. Je n'ai hélas plus d'exemples la, mais j'ai trouvé ça saisissant.

J'ai fini le livre et c'est vrai qu'il va crescendo tout en allant à rebours, la fin est bouleversante. Très beau roman vraiment!
Cependant son début (ou sa fin, cela dépend du point de vue!) avec Sol me laisse toujours aussi dubitative quant au "message" qu'il est censé transmettre. Pourquoi cette lignée familiale produit-elle un rejeton aussi monstrueux ? Randall, Sadie et Erra ont leurs défauts certes, mais ils sont plus victimes qu'autre chose. Les difficultés qu'ils ont traversées et la douleur les ont durcis, ont creusé en eux de profondes "lignes de faille" mais ils sont restés humains et ont su donner, même imparfaitement, de l'amour à leurs enfants et leur transmettre des bouts de leur histoire familiale.
Alors Sol est-il un tel démon exterminateur simplement parce qu'il a grandi en Californie au 21 siècle et qu'il a eu trop tôt accès à Internet ? Ou qu'il a une mère poule qui lui passe ses caprices? Pour moi un tel simplisme tranche de façon surprenante et décevante avec la richesse thématique et l'intelligence narrative du reste du roman.
Ou si j'ai complètement loupé quelque chose, expliquez-moi s'il vous plaît.


A part ça, savez-vous à quoi ce roman m'a fait penser ? Sujet et pays différents mais même propos (histoire familiale bouleversée par les remous de l'Histoire et construite autour d'un secret douloureux), mêmes pièces du puzzle se mettant petit à petit en place, même multiplicité de narrateurs, même écriture fluide, même poésie parfois déchirante avec symboles récurrents (ici le grain de beauté) ? A la pentalogie Le poids des secrets d'Aki Shimazaki, autre Canadienne!

Moi, aussi Nezumi, je viens de finir le livre et je suis toujours sous son impression.
D'abord. j'aimerais repondre a tes questions (rhetoriques ou pas) sur Sol - oui, il est un produit des facteurs de l'epqoue qui fabrique des cliches et des stereothypes. Oui, sa mere aussi y est pour qqch. MAIS, pour le devenir, il doit en avoir la predispositions, connait-on pourquoi Marc Dutroux est tel que nous le connaissons? La romanciere a besoin de suggerer des idees et cree des portraits surtout psychologiques. Je ne vais pas chercher plus loin, je trouve que litterairement, Sol est admissible.
Je suis "du cote" de ceux qui ont aime la maniere d'ecrire de Nancy Huston, qui se sont laisse(e)s seduire par son habilete d'inviter le lecteur a suivre l'histoire, elle est maligne dans ce compte a rebours!
Je ne trouve pas les personnages artificiels ou stereothypes, au contraire, ils servent bien la tache de la romanciere - une denonciation, une critique acerbe, une negation de la violence et de la barbarie. Leurs fruits - c'est un garcon et les deux filles deja grandis et le dernier ne de la famille qui n'a que 6 ans qui est deja un petit monstre qui n'a dans sa tete que de l'aspiration au mal qui l'attire et dont il veut se servir.
J'ai deja dit ce que je pense de la mere de Sol.
Randall, son pere (qu'on voit a 6ans dans le chapitre 2) - il est meconnaissable en tant que personne adulte, il semble brise et pragmatique en fin de compte. Un honnete americain qui gagne de l'argent sans se soucier du mal que son travail pourrait causer.
Je prefere les portraits des filles a ceux des gracons En tant qu'adules, ces femmes ne m'ont pas autant impressionnee, mais a la'ge de 6 ans, elles sont magnifiquement presentees au point de vue sensations et psychologie
Les origines du mal dans ce livre partent du fashisme, mais on voit qu'on peut bien remonter jusqu'aux temps les plus recules. Randall age dit a sa mere:"Je crains que ca ne se limite pas aux nazis, maman. [...]On a inculque le meme message (celui de tuer, tuer et encore tuer) a tous les soldats de l'histoire humaine, de Guigamesh a Lynndie England."
J'arrete la et je vais chercher a me procurer d'autres livres de Nancy Huston en esperant qu'elle ne m'y decevra point.

Nezumi a écrit:

Un moment très beau et poétique est celui où Randall "accompagne" Erra au piano...J'imaginais très bien.

Je voulais, en même temps que vous, relire ce roman à l'envers...J'espère pouvoir le faire...Je l'avais beaucoup aimé, et un souvenir très particulier, très fort et très doux m'attache au chant d'Erra.
Confidence parfumée que j'ai déjà faite:

Spoiler:

Orientale a écrit:

D'abord. j'aimerais repondre a tes questions (rhetoriques ou pas) sur Sol - oui, il est un produit des facteurs de l'epqoue qui fabrique des cliches et des stereothypes. .

Non, ce n'était pas une question rhétorique car j'attendais véritablement des réponses pour tenter de mieux comprendre ce qui me semble une faiblesse du roman . Merci pour la tienne et ton interprétation.
Malheureusement je ne comprends toujours pas pourquoi c'est Sol qui serait le produit de son époque et non pas les autres. Après tout Erra, Sadie et Randall ont également été témoins d'horreurs et ils ne s'en sont pas si mal sortis, question humanité. Notre époque n'est pas plus abominable que celle d'Erra, de Sadie ou de Randall, la barbarie humaine restant la même.
Je trouve le raccourci "siècle d'image --> être déshumanisé" un peu cliché lui-même.

Je suis allée faire un tour sur le fil de Huston et je vois que vous pensez que ce sont les carences affectives dont ont souffert ses parents et ancêtres qui l'ont fait tel qu'il est. OK. Mais il y a aussi un héritage positif qui est passé de l'un à l'autre. Et il semble complètement balayé chez Sol par le fait qu'il a un accès illimité à l'image et à l'information. D'un côté j'ai l'impression que Nancy Huston veut montrer la force de l'hérédité et de la filiation mais l'exemple de Sol contredit cela, et de façon un peu facile...D'où ma perplexité...

coline a écrit:

Spoiler:

Quelle chance Coline! Erra est un personnage absolument magnifique...

J'ai aussi terminé hier soir ma lecture.. et je reste un tout petit peu perplexe..
d'un côté, j'ai adoré cette écriture, sa façon de structurer l'histoire, il y a des personnages adorables et surtout Erra dont je vais me rappeler encore un bon moment - mais d'un autre point de vue.. je sors après 480 pages.. sans beaucoup trop d'émotions.
Une histoire de famille, de générations, un secret, des moments forts.. il devrait y avoir plus - mais je suis navrée, je n’éprouve pas beaucoup plus pour ce roman que "lecture agréable"