Lecture en commun - Shakespeare : La tempête

J'étais complètement passée à côté de ce fil... Resterait il une petite place de dernière minute pour une pauvre lectrice qui a désespérément besoin d'une culture shakespearienne ? Je comptais faire un tour à la librairie demain...

Camille19 a écrit:

J'étais complètement passée à côté de ce fil... Resterait il une petite place de dernière minute pour une pauvre lectrice qui a désespérément besoin d'une culture shakespearienne ? Je comptais faire un tour à la librairie demain...

bienvenue à bord

Mais bien sûr Camille, ravie que tu nous rejoignes sur l'île de Prospero!

Est-ce que je peux venir avec vous ?

Charlie a écrit:

Est-ce que je peux venir avec vous ?

mais bien sûr

Bon, je vous propose ma lecture de l'Acte I, il faut bien commencer :

La Tempête Acte I : 2 scènes qui s'articulent autour du thème du pouvoir et de la liberté.

Sc.1 : Un navire portant à son bord un roi entouré de ses seigneurs affronte la tempête.
Tout s'inverse alors , le roi et sa suite se soumettent à la loi du capitaine, obéissant à ses ordres, mais le capitaine doit céder face aux éléments : le naufrage est annoncé. Vanité du pouvoir en ce bas monde !

Sc. 2 : Une île où ont échoué les naufragés.
Une île/« cellule » semblant symboliser le monde, où se retrouvent enfermés également Prospero, seigneur exilé dont le frère -présent sur ce navire - a extorqué le pouvoir.
On apprend qu'il est devenu magicien, a pris le pouvoir sur cette île après avoir asservi Caliban, le mal, qui y régnait et que, maître des éléments, il a commandé cette tempête à son esclave, l'esprit Ariel, pour se venger de ses ennemis.
Mais Miranda , la fille de Prospero et Ferdinand le fils naufragé du roi se rencontrent et se plaisent ...

Prospero se croit libre et tout puissant dans son île, maître du destin, de son destin et de celui des autres , mais cette homme qui autrefois régnait avant tout sur "sa bibliothèque" n'a-t-il pas conquis un pouvoir et une liberté imaginaire ?

Comment cela fonctionne-t-il ?

la-lune-et-le-miroir a écrit:

Comment cela fonctionne-t-il ?

en principe on se met d'accord sur un livre, on crée un fil (comme celui-ci pour celle de la pièce de Shakespeare), on lit chacun le livre et on fait des commentaires au cours de la lecture sur ce fil...

concernant le calendrier - tu le trouves ici
de même dans le premier message de ce fil un lien vers les autres lectures en commun qu'on a déjà fait sur parfum


et si tu veux faire une proposition d'un livre pour lire avec d'autres, c'est ici

Merci pour ces gentilles explications, j'ai impressions d'être nulle !!
En fait je lis toue seule dans mon coin ...

Et peut on proposer des livres classiques ?

la-lune-et-le-miroir a écrit:

j'ai impressions d'être nulle !!

certainement pas..

la-lune-et-le-miroir a écrit:

En fait je lis toue seule dans mon coin ...

en principe, nous aussi.. mais il y a des livres qu'on veut 'commenter' au cours des pages.. qu'on a envie de partager tout de suite, à l'instant d'une émotion.. et à ce moment, une lecture en commun est bien.. intéressant.. amusant..
tu peux voir dans les fils des lectures qu'on a eu, comment cela se passe..
et en fait, on n'est pas censé de participer et apprécier tous les mêmes choses

la-lune-et-le-miroir a écrit:

Et peut on proposer des livres classiques ?

certainement!!
si tu regardes dans le fichier des anciennes lectures en commun ici tu vas même trouver des classiques...
cela dépend toujours un peu des intéressés.. mais proposer est toujours possible - vas-y sur le fil des propositions et essaie

Acte I (scènes 1 et 2)

La scène 1 n'est pas une introduction pépère mais nous plonge tout de suite dans la tourmente et la tension, au milieu des éléments déchaînés. Je me rappelle de la première fois que j'ai vu la pièce (à la fin des années 80, avec Pierre Dux dans le rôle de Prospero) où une voile gonflée immense occupait la scène et les cris des marins invisibles s'élevaient. J'avais pris une grosse claque et c'était ma première véritable rencontre avec Shakespeare (mises à part les mornes pièces filmées qui passaient autrefois à la TV le dimanche).

La véritable scène d'exposition est la scène 2, où Prospero explique à sa fille Miranda/au spectateur ce qui les a menés sur cette île, à savoir la trahison d'Antonio l'usurpateur, son propre frère.
La tempête provoquée par Prospero montre la puissance de sa magie. Comme l'usurpateur et sa suite se trouvaient à bord, on comprend qu'il va orchestrer sa vengeance. Dès le premier acte, Prospero apparaît comme le marionnettiste qui tire les ficelles, contrôlant tout et tous sur l'île, les plongeant dans le sommeil, les conjurant, les faisant aller et venir à sa guise, qu'ils soient humains ou esprits.
Son ambivalence me frappe aujourd'hui comme avant. Il peut se montrer aimant et bienveillant comme menaçant et cruel, voire injuste (envers Ariel, Caliban, Ferdinand). Il est un savant, un homme de science éclairé et un grand lecteur, mais aussi quelqu'un qui s'est isolé dans sa tour d'ivoire d'intellectuel, se désintéressant des affaires de son royaume et de son peuple, au point de tout déléguer à son frère qui a forcément fini par prendre le pouvoir.
Nous faisons la connaissance d'un autre personnage bien ambigu :Caliban, le pendant sombre et primitif du charmant ("aérien") Ariel. Caliban est le fils d'une sorcière, un monstre, mais dont la situation nous touche: Prospero l'a réduit en esclavage après l'avoir dépossédé de son île et lui avoir inculqué sa langue. Rien d'étonnant à ce que beaucoup aient une lecture politique de cette pièce et y voient une évocation de la colonisation.
En même temps ce n'est pas une apologie du bon sauvage à la Rousseau car Caliban est une brute qui laisse libre cours à ses instincts (il a tenté de violer Miranda). On ne peut pas forcément non plus l'opposer au raffinement intellectuel de Prospero car Caliban s'exprime d'une façon étonnamment poétique. Personnage très étonnant que ce Caliban donc.
Pour finir, dès ce premier acte on est plongé dans l'ambiance si particulière de l'île, lieu magique de sommeil, de rêve et de musique. Ainsi la chanson d'Ariel à Ferdinand, aux images belles et étranges que l'on oublie pas:

Par cinq brasses de fond
Repose ton père.
Ses os ce sont le corail,
Ce que furent ses yeux, les perles.
Rien en lui de périssable
Que des mers ne change le sable
En du riche et de l'étrange,
Et les nymphes de l'onde amère
Sonnent son glas d'heure en heure.

Full fathom five thy father lies;
Of his bones are coral made;
Those are pearls that were his eyes;
Nothing of him that doth fade
But doth suffer a sea-change
Into something rich and strange.
Sea-nymphs hourly ring his knell.

Je vous accompagne indirectement en vous lisant et en écoutant l'opéra contemporain qu'en a tiré Thomas Adès. J'ai lu cette pièce bien souvent et c'est l'une de mes préférées de Shakespeare. Je suis curieux de découvrir vos commentaires!

Marko a écrit:

Je vous accompagne indirectement en vous lisant et en écoutant l'opéra contemporain qu'en a tiré Thomas Adès. J'ai lu cette pièce bien souvent et c'est l'une de mes préférées de Shakespeare. Je suis curieux de découvrir vos commentaires!

C'est vrai que musique et Tempête sont indissociables!

J'aime bien l'épilogue chanté par Loreena McKennitt.

Il y a aussi la version cinéma déjantée de Peter Greenaway: Prospero's books