[2010] A l'affiche ou bientôt sur les écrans (vu ou à voir)

Marko a écrit:

Tu aimes les films de Doillon d'habitude? Il me déçoit rarement mais il faut aimer son univers décalé. J'hésite encore pour celui-ci...

Je ne le connais quasi pas en fait. Je crois n'avoir vu que Le sac de billes.

Li a écrit:

Marko a écrit:

Tu aimes les films de Doillon d'habitude? Il me déçoit rarement mais il faut aimer son univers décalé. J'hésite encore pour celui-ci...

Je ne le connais quasi pas en fait. Je crois n'avoir vu que Le sac de billes.

Ah! Effectivement... Doillon est un peu comme Rohmer pour moi. Il met en place des récits qui paraissent au départ artificiels, parfois faux au niveau du jeu des acteurs (comme s'ils récitaient un texte), et qui soudain se mettent à dégager une sorte de magie, de grâce et de vérité certes décalées mais qui m'enchantent. Tu devrais au moins essayer Le Petit Criminel, Le jeune Werther, Ponette et quelques autres. Les gens sortent souvent de la salle et pourtant il me plait. J'irai voir si celui-ci est dans la même veine.

Marko a écrit:

Ah! Effectivement... Doillon est un peu comme Rohmer pour moi. Il met en place des récits qui paraissent au départ artificiels, parfois faux au niveau du jeu des acteurs (comme s'ils récitaient un texte), et qui soudain se mettent à dégager une sorte de magie, de grâce et de vérité certes décalées mais qui m'enchantent. Tu devrais au moins essayer Le Petit Criminel, Le jeune Werther, Ponette et quelques autres. Les gens sortent souvent de la salle et pourtant il me plait. J'irai voir si celui-ci est dans la même veine.

J'adore Rohmer... Si son cinéma peut paraître artificiel, je le trouve quand même assez éloigné de ce film. Dans le Mariage à trois, je trouve tout très très lourd et appuyé, excessif. Pas la légèreté de certains Rohmer, ni de grâce.
Si je trouve les dvd que tu cites à la mediathèque, je jetterai un oeil

Autant j'aime Rohmer, autant je n'accroche vraiment pas avec Doillon...
Voilà, ça ne fait pas avancer le chmilblik.

Pareil. Sauf que je n'aime pas tout Rohmer (il y a une rétro au festival de la Rochelle, cela me permettra de voir ou revoir ses grands films des années 60). Concernant Doillon, j'accroche rarement mais j'y retourne quand même. Mes préférés ? La pirate, Le petit criminel, Le jeune Werther, Carrément à l'ouest, Raja (tu devrais essayer celui-ci, Li).

Je vais ce soir voir le dernier Doillon. Comme je n'en attends pas monts et merveilles, je ne risque pas d'être déçu.

Li a écrit:

Le mariage à trois de J. Doillon


Au secours

Li, je te trouve très injuste ! Il y a vers la fin du film cinq à dix minutes amusantes, où la fantaisie s'installe l'espace d'une ou deux scènes. Evidemment, il ne faut pas s'être endormi avant, ce qui n'est pas gagné. Ce marivaudage très cérébral est assommant, ce huis-clos plus théâtral que cinématographique est ennuyeux. Les cinq personnages (en quête de hauteur) n'en finissent pas d'entrer et de sortir mais les portes ne claquent pas, ce n'est pas un vaudeville. De temps à autre, on s'aère un peu, en tournant en rond dans la cour de cette belle demeure charentaise, on fait mine de partir et puis on revient. Lassant. Pascal Greggory est bon, comme d'habitude, Louis Garrel garrelise, Agathe Bonitzer est pas mal et Julie Depardieu est excellente, jolie comme un coeur. En revanche, on a de la peine pour Louis-Do de Lancquesaing, qui était formidable dans Le père de mes enfants et qui, ici, tient la chandelle. Le mariage à trois n'est pas le meilleur film de Jacques Doillon, est-il utile de le préciser ?

Eh oui, tu as raison, on se fout un peu de leurs histoires de coeur et de cul.

traversay a écrit:

Li, je te trouve très injuste ! Il y a vers la fin du film cinq à dix minutes amusantes, où la fantaisie s'installe l'espace d'une ou deux scènes.

Mince, il faut que j'y retourne!

Tu fais référence aux scènes avec Agathe Bonitzer?

Moi j'ai vu Freddy, c'était pas excellent, incohérent, mal monté, avec des effets cartons pates... mais c'était distrayant. Le Vrai Freddy me fait bien plus flipper. Celui là on le dirait un peu sorti d'un train fantôme qui aurait déraillé, sans le côté kitsch sympa.

Li a écrit:

traversay a écrit:

Li, je te trouve très injuste ! Il y a vers la fin du film cinq à dix minutes amusantes, où la fantaisie s'installe l'espace d'une ou deux scènes.

Mince, il faut que j'y retourne!

Tu fais référence aux scènes avec Agathe Bonitzer?

Euh, j'ai crois que j'ai déjà oublié. C'est juste avant la fin, quand tous les personnages sont réunis. Je crois que j'ai alors esquissé l'ébauche d'un début de sourire.

traversay a écrit:

Euh, j'ai crois que j'ai déjà oublié. C'est juste avant la fin, quand tous les personnages sont réunis. Je crois que j'ai alors esquissé l'ébauche d'un début de sourire.

Je crois que je vois ce dont tu parles. Quand Garrel commence à donner la réplique à Bonitzer pour répéter la pièce, accompagnés de Grégory et de son pote... Ils sont alors rejoints par Depardieu. Alors, ils jouent à se prêter des pensées, à deviner les états-d'âme des autres. C'était un peu drôle en effet! Ensuite, ils envisagent la possibilité de vivre à 4.
Quel film formidable en fait.

Estomago de Marcos Jorge

Citation :

Depuis qu’il a débarqué en ville, Nonato cuisine. Petit à petit, il a appris à survivre dans cette société où cohabitent ceux qui mangent et ceux qui sont mangés. Et lorsqu’il peut enfin prendre part au festin, nul mieux que lui ne sait quel est le meilleur morceau…

Depuis La grande bouffe jusqu'à ... Le grand chef (film coréen sorti l'année dernière et passé inaperçu), en passant par Le festin de Babette, entre autres, le film culinaire est un genre à part entière. Estomago, du brésilien Marcos Jorge, en est une nouvelle illustration, sans doute lourde pour certains estomacs délicats, mais dans l'ensemble plaisante, car rocambolesque et épicée comme une bonne feijoada. La gastronomie y joue un rôle essentiel dans la narration, du petit restaurant à la prison, sans oublier le monde de la prostitution. C'est un film métissé comme le Brésil, qui possède une palette de saveurs étoffée : tendre, violente, vulgaire, raffinée. Encore une fois, les fins palais trouveront à coup sûr la recette indigeste ; pour les autres, pas de souci, c'est à déguster sans modération.

Policier, adjectif de Corneliu Porumboiu

Citation :

Cristi est un jeune policier. Lors d'une filature, il voit un garçon vendre du haschich à ses copains de lycée. Il refuse de l'arrêter alors que la loi l'y oblige. Il ne veut pas avoir la vie du jeune homme sur la conscience. Mais pour son supérieur, le mot conscience a un autre sens.

Au sein de la jeune garde roumaine, Corneliu Porumboiu s'est révélé comme le plus drôle et le plus cinglant de ses représentants avec 12h08, à l'est de Bucarest. Son deuxième film, Policier, adjectif, semble a priori son exact contraire, au moins pendant sa première partie. L'histoire d'un simple flic de province qui passe ses journées à suivre de loin les agissements de trois jeunes consommateurs de haschich. L'attente est interminable, le ciel est gris, et le film, contemplatif et austère, semble aller nulle part, si ce n'est dans le mur de l'ennui poli. Sans s'animer outre mesure, le récit va cependant devenir signifiant au fil des minutes. Avec, pour point d'orgue, une scène de presque une demi-heure, totalement surréaliste, où le chef de la police et deux inspecteurs vont s'affronter sur des questions de sémantique. Qu'est ce la conscience ? Peut-on avoir un cas de conscience, en tant que policier ? Et la loi dans tout cela ? Bref, nous voici en plein Kafka, avec une délicieuse ironie sous-jacente, qui permet de retrouver le Porumboiu critique lucide de la société roumaine. Cette simple scène éclaire a posteriori tout le dispositif d'un film épuré et d'une suprême intelligence. La seule condition, pour l'apprécier à sa juste valeur, est de ne pas se laisser abuser et décourager par la languissante première heure. Ce n'est pas un film drôle, mais c'est à coup sûr un drôle de film.

Je comprends pourquoi je vais peu au cinéma en ce moment. Tous les films dont vous parlez ne sont pas très motivants et vos commentaires semblent le confirmer en partie. Je me rattraperai à Paris ce week end en allant voir le Joao Pedro Rodrigues.

traversay a écrit:

Mourir comme un homme de Joao Pedro Rodrigues

Citation :

Tonia, une transsexuelle vétéran des spectacles de travestis à Lisbonne, voit s’effondrer le monde qui l’entoure : son statut de star est menacé par la concurrence des jeunes artistes. Pressée par son jeune copain Rosário d’assumer l’identité de femme et de se soumettre à l’opération qui la fera changer de sexe, Tonia lutte contre ses convictions religieuses les plus intimes. Pour s’éloigner de tous ses problèmes, elle part à la campagne avec Rosário. Après s’être égarés, ils se retrouvent dans une forêt enchantée, un monde magique où ils rencontrent l’énigmatique Maria Bakker et sa copine Paula.

Joao Pedro Rodrigues est un cinéaste rare : O Fantasma en 2000, Odete en 2005, Mourir comme un homme en 2009. Rodrigues est un cinéaste exigeant, dont les films sont des labyrinthes existentiels, qui excluent toute facilité et qu'il est confortable de rejeter en bloc du fait de leur construction en apparence chaotique. Mourir comme un homme possède un style indéfinissable entre l'opéra baroque et la telenovela avec une esthétique parfois sidérante (les scènes de forêt). Fassbinder est la référence la plus immédiate mais dans une version portugaise où la religion, la magie, le sexe et la trivialité se mélangent dans une tragédie allégée parfois de scènes de comédie populaire. Le héros est un travesti vieillissant qui pourrait être pathétique (intelligemment, jamais Rodrigues ne le montre sur scène), il n'est qu'un homme (une femme ?) faible et désemparé. S'il y a une chose que le réalisateur a réussi à capter dans ce film fascinant, irritant, languissant, mortifère, c'est bien que la vérité de notre condition humaine, elle, ne peut être travestie.

Bon, alors... Je suis un grand fan de son premier film O Fantasma que j'ai vu un bon nombre de fois et j'avais été moins convaincu par Odete malgré de très bons moments. Mourir comme un homme fait partie de ces films qui font sortir les spectateurs de la salle ou en endorment la moitié (en tout c'est ce qui s'est passé pendant la projection). Joao Pedro Rodrigues est un cinéaste passionnant dont le regard très décalé propose de nouvelles façons d'envisager les films de genre en les tirant vers une sorte de trip existentiel où l'érotisme et la cérébralité coexistent avec une certaine poésie. Le problème dans ce dernier film est que la cérébralité l'emporte sur la sensorialité et l'érotisme. Il en résulte un objet cinématographique non identifié non pas "chaotique" (on suit parfaitement le fil du récit) mais tellement intellectualisé et volontairement "décalé" qu'il en devient presque irregardable. J'ai lutté contre l'endormissement alors que je suis souvent prêt à toutes les aventures expérimentales.

Et pourtant le sujet est beau. Ce personnage de clown triste est envisagé hors scène donc dans la douleur de son quotidien difficile entre un fils déserteur qui rejette sa part féminine et un amant qui rejette sa part masculine. Il est les 2 et chacun nie la possibilité d'une coexistence. Il ne peut donc être entier et heureux. Il en résulte une tragédie qui pourrait être splendide et baroque mais qui devient une succession de séquences artificiellement décalées et déréalisées. Une forêt mystérieuse qui peut devenir rouge, une maison habitée par un travesti décadent et sa partenaire, des militaires s'égarant dans le noir. On sent la métaphore, l'espace mental et métaphysique créé par le dispositif mais le résultat est ennuyeux et ne vibre pas beaucoup. On devrait être ému et je suis resté sec et somnolent. Dommage mais j'attend beaucoup de ce réalisateur s'il est capable de revenir à ce qui faisait la force incroyable de son premier film littéralement gorgé de sensualité et de fantasmagorie.

J'aimerais bien le voir tout de même...

Par contre, prenez soin d'éviter My name is Khan...un gros mélo bollywoodien de trois heures...
bande-annonce