Lecture en commun - Gustav Meyrink : La nuit de Walpurgis

Heu...désolée les filles, mais pas encore commencé!
je lirai çà au lit ce soir...

Harelde a écrit:

Marko a écrit:

Et zut! Cette lecture commune est trop précoce pour moi alors que j'aurais beaucoup aimé le lire. Ce sera pour plus tard!

Toujours dans Dosto ?

Ben oui! 2e tome des Karamazov! C'est que ça fait 1300 pages en tout cette bête là chez Babel

lu l'introduction, qui apporte peu au niveau littéraire (il me semble...) et donne quelques repères autobiographiques quel que peu confus... il me semble que l'intro du Golem était plus consistante. Mais peu importe... entrons dans le vif. J'aime dès la première page voir le profil d'un aigle et la position d'un singe qui a l'allure d'un pingouin.

J'ai lu le 1er chapitre, "L'acteur"
comme j'avais déjà lu ce chapitre il y a un moment, je me souvenais d'une atsmosphère cauchemardesque, et j'avoue que là ce n'est pas trop ce que j'avais envie de lire en ce moment.
Mais j'ai été agréablement surprise, même si l'atmosphère et les événements sont étranges et inquiétants, il y a des éléments comiques constants et ça se lit agréablement. J'ai bien aimé cette galerie des vieux aristocrates complètement décrépits et coupés du monde extérieur (ils n'ont jamais mis les pieds à Prague), au physiques grotesques. Ils font écho à la galerie de tableaux des ancêtres qui semble tout droit sortie du Bal des vampires.
un passage étrange et fascinant avec la pantomime de l'acteur Zrcadlo qui fait semblant d'écrire cette lettre et qui imite à la perfection le frère mort de Elsenwanger. Qui est-il ? bien aimé aussi le personnage de Liesel la Bohémienne...
Voilà, une entrée en matière pleine de mystère qui donne envie de lire la suite...

Je ne sais pas si vous éprouvez la même chose que moi, mais je ne comprends pas d'où vient l'aspect insaisissable du récit. Les personnages sont nommés, décrits physiquement et dans leurs fonctions, ils sont réunis pour un repas, jusqu'ici tout pourrait paraitre d'un classicisme tranquille, mais non... quelque chose (mais quoi ?) rend ces personnages inquiétants, insaisissables, obscurs. On ne saisit pas la raison de leur présence commune, ce qui les lie, ce qui les tient encore debout...
C'est très évanescent comme sensation et puis au fur et à mesure de la lecture cette impression devient de plus en plus prégnante...
Sinon, comme toi Nezumi, j'ai été très surprise et séduite par l'humour distillé dans le texte, par le côté caustique (et qui sent l'encaustique) des descriptions de personnages.
Un début de roman un peu flottant, où je ne comprends pas les motivations des personnages mais aux descriptions animalières franchement plaisantes. Et puis le flou est séduisant, il donne envie de poursuivre la rencontre...

Je reviens sur le premier chapitre.
Sur le télescopage des temps, la rencontre entre le passé (les 4 vieilles personnes) et le présent (l'acteur), entre la vie vieillissante et un homme trouvé quasi mort et qui se réveille en devenant l'incarnation d'un mort. Télescopage également entre deux mondes, celui d'en haut, les riches, les aristocrates et ceux d'en-bas, hétaïre et acteur, le lien entre ces deux univers qui s'ignorent se faisant par le biais des serviteurs. Brouillage aussi du masculin et du féminin, la comtesse est celle qui prend les décisions, reste ferme, à peine effrayée par les évènements qui se déroulent pendant la nuit, Constantin, lui s'agenouille pour prier une aile de poulet dans la main et tremble...

Et puis l'acteur. L'acteur a deux attributs : le masque et le miroir. Le masque de chair de son visage lui permet de devenir n'importe qui et donc personne. D'ailleurs Flugbeil le connait mais n'arrive pas à se souvenir de cet homme. Et le miroir qui renvoie son propre reflet à celui qui regarde. En Allemagne une légende raconte que lorsque l'on voit son double, la mort est proche... L'acteur n'est pas un homme, l'acteur est une image, il est une surface réfléchissant le monde. Se souvenir également que l'un des synonymes de miroir est psyché...

Que de présages funestes en un seul petit chapitre...

Le nom du baron Bogoumil rappelle également le terme Bogomile employé pour désigner la secte des cathares bulgares. Et bien sur, somnambulisme, hypnose et suggestion sont au rendez-vous...

Tes remarques sont vraiment intéressantes Shanidar, je sens que tu vas nous éclairer sur plein de choses, merci !

Moi c'est l'aspect un peu carnavalesque qui m'a frappée, ils ont tous des physiques assez originaux et des défroques d'un autre âge. Le cadre très gothique aussi, avec cette vieille demeure, le chien qui hurle, les chandelles, les ombres qui bougent sur les murs...
ce qui est marrant, c'est qu'on est dans le fantastique sans vraiment y être. Il se passe plein de choses étranges, mais finalement rien de surnaturel...

exact, Nezumi, Meyrink s'amuse à prendre en permanence le lecteur à contre-pied. Là où l'on attend du fantastique, il offre une sorte de représentation théâtrale. Et dans le second chapitre, un évènement m'a particulièrement frappée : Flugbeil utilise un téléscope, on s'apprête donc à lire une description des étoiles, de la voie lactée, de la course des sorcières dans le ciel, mais là encore surprise : "il pouvait voir tout ce qui se passait en bas, dans le "Monde" - à Prague -" ce qui correspond parfaitement à la position du personnage à cet instant-là : "tiraillé par des sentiments contraires", se rendant compte qu'il ne vit pas une "vraie vie" il utilise son instrument d'optique pour regarder le sol et non le ciel. C'est très impressionnant de voir à quel point la narration suit la psychologie, à quel point les éléments s'imbriquent les uns dans les autres pour former un tout cohérent.

Je suis en retard avec cette lecture en commun ...je compte sur le WE...

ne t'inquiète pas Orientale, je ne me suis pas avancée non plus.

pas de souci, on peut s'attendre car la lecture est suffisamment riche pour être lente ! je vais en profiter pour faire quelques recherches sur Prague...

Ah, merci les filles , vous me rassurez! C'est ce que je me disais, shanidar, ce livre devrait etre lu lentement et puis, mais c'est bien pour mon francais - il s'enrichit aussi par cette lecture.

Orientale a écrit:

Ah, merci les filles , vous me rassurez! C'est ce que je me disais, shanidar, ce livre devrait etre lu lentement et puis, mais c'est bien pour mon francais - il s'enrichit aussi par cette lecture.

ah oui, souvent je pense à toi et me demande comment tu assimiles certaines tournures de phrases ou certains mots tombés en désuétude (par exemple le verbe 'tarauder' qui n'est plus tellement usité). Et puis, inversement, j'imagine que tu dois être plus sensible au 'folklore' distillé dans le livre, je pense aux ramoneurs qui sont un bon présage (est-ce pareil en Bulgarie ?) et à la coutume de tremper la langue dans du vinaigre pour quelques sous !?! Et même à l'atmosphère et aux références aux Prussiens, à l'aigle à deux têtes... tous ses détails qui (en tout cas pour moi) éveillent des réminiscences assez confuses...

alors voilà, j'ai trouvé très chouette les estampes que Nezumi ajoutait à sa lecture de Mishima (sur un autre fil) et sans vouloir absolument mettre en images les mots de Meyrink, j'ai découvert deux trois sites intéressants.

Je suis déçue, je n'ai pas trouvé de belles photos de Prague (avec le château, le quartier Hradschin et la cathédrale St Victor) juste ça :



et Notre-Dame-du-Tyn qui a accueilli la messe d'enterrement de Bogoumil :



et puis, Flugbeil se rend par le fossé aux Cerfs, dans la ruelle du Nouveau monde (quelle ironie) pour rencontrer son ancienne maîtresse, la Bohémienne Liesel (dont le nom est en miroir puisqu'il peut se lire presque dans les deux sens). Or il s'avère que cette rue est celle de la ruelle d'or (réputée pour avoir hébergé de nombreux alchimistes). Les maisons de cette rue sont minuscules, à peine plus hautes que la taille d'un homme et elle a la triste réputation d'avoir abrité une population miséreuse et une prison de femmes.

La description de la Bohémienne Liesel me fait penser au tableau de Goya : Les Vieilles ou le Temps



ainsi qu'aux gravures du cycle Les désastres de la guerre.