Lecture en commun - Les Chouans (Balzac)

Nezumi a écrit:

le début étant plus poussif que dans mon souvenir.

Oh que oui !
Dans mes souvenirs, le début est fort longuet. Comme souvent dans Balzac à mon sens (du moins, ceux que j'ai lu).

Harelde a écrit:

Nezumi a écrit:

le début étant plus poussif que dans mon souvenir.

Oh que oui !
Dans mes souvenirs, le début est fort longuet. Comme souvent dans Balzac à mon sens (du moins, ceux que j'ai lu).

Dans la plupart des autres Balzac, il met les choses en place au début, il plante le décor. Là, c'est fait de façon un peu moins bonne, mais c'est un livre de jeunesse. Après, ça canarde pas mal, ça se massacre, ça conspire, ça veut se venger... c'est efficace, dans son genre. Et violent, mais ça meurt avec panache et honneur, c'est bôôô.

Bédoulène a écrit:

J'attends que vous me dévoiliez ce que Mlle de Verneuil confie à l'oreille du Comte de Bauvan (ce secret ne m'est pas conté) et c''est important pour la suite des rencontres.

On ne le sait pas non plus (page 310 édition folio), je crains que ce ne soit qu'un effet de manche pour maintenir l'intérêt du lecteur... parfois, ce que dit Mlle de Verneuil tout bas nous est rapporté, même ce qu'elle pense, et puis là, non. C'est un procédé bien sûr assez grossier, mais bon, on n'est pas tout à fait dans la finesse, ça canarde, ça trompe, ça pleure pour un rien... bref, c'est du romanesque !

Par contre, plus loin, Mlle de Verneuil dit des choses sur ses origines (page 364). Ce qu'elle dit à l'oreille, c'est peut-être aussi pour ne pas enquiquiner le lecteur avec des détails (ce n'est vraiment pas le genre de Balzac ) : elle a dû fournir des détails prouvant qu'elle connaissait vraiment le duc de Verneuil, enfin je suppose...

c'est dommage, car c'est là l'explication par laquelle Bauvan reconnait qu'elle n'est pas "une fille" ! son attitude était assez ambigüe

merci Expie

oui comme tu dis ça canarde fort, mais c'est ce qui se passait à cette époque historique.

n'empêche que moi les descriptions détaillées me plaisent.

J'en étais resté dans une voiture, avec notre héroïne, Mlle de Verneuil, qui est apparemment chargée par Fouché de se débarrasser du chef des Chouans... Ce chef, "Le Gars", en pince pour Mlle de Verneuil, d'abord parce qu'elle est bien jolie, mais en plus parce qu'elle connaît tous les trucs des femmes, elle sait minauder juste ce qu'il faut et avoir l'air innocente aussi juste ce qu'il faut pour titiller Le Gars. Il est mignon aussi, Le Gars, d'ailleurs. Dans sa préface, Pierre Gascar, dit que l'héroïne (Mlle de Verneuil, donc), "a plus de relief que le Marquis de Montauran, son amant royaliste. Le Gars (c'est le nom que les Chouans donnent à leur jeune chef, le marquis semble annoncer, dans l'oeuvre balzacienne, les aristocrates efféminés qui y défileront et dans lesquels l'auteur de La Comédie humaine assouvissait littérairement sa soif de dandysme." (pages 10-11).
Mlle de Verneuil va passer le reste du livre à sauver le Gars, à le dénoncer, à le re-sauver, à se tâter, hum, qu'est-ce que je fais, m'aime-t-il vraiment ? A chaque fois qu'elle croit, pour une raison ou une autre, qu'il se joue d'elle, hop, ni une ni deux, elle dit à Corentin ou à Hulot où il se trouve, et après elle est obligée de ruser pour redresser la situation.
On a droit quand même à quelques bonnes scènes d'exécution en masse, et que je t'achève, et que je te dépouille, je ne suis pas sûr qu'on retrouve ce type de violence dans d'autres Balzac (les Scènes de la vie militaire ne comprennent qu'un roman et une courte nouvelle, nous dit la notice de fin de volume.

On note quelques pensées : "Vous voyez : il faut employer les intérêts de chacun pour arriver à un grand but. Là, sont tous les secrets de la politique." (page 209).
Et puis d'autres pensées qui marquent clairement le camp de Balzac ("Le Dernier Chouan a été écrit par un libéral favorable aux bleus, il est corrigé par un défenseur du trône et de l'autel", notice page 483) : "[...] elle était arrivée par le sentiment au point où l'on arrive par la raison, à reconnaître que le roi, c'est le pays."

Et on a encore et toujours des tonnes de généralités sur les femmes. Tantôt la femme n'est qu'une gourde écervelée qui, si elle fait des choses intelligentes, le fait sans réfléchir, tantôt la femme est un être machiavéliquement intelligent. "[...]degré d'énergie inconnu peut-être à l'homme, mais que la femme entraînée par la passion possède momentanément." (page 266).

Citation :

"Il y a cela d'admirable chez les femmes qu'elles ne raisonnent jamais leurs actions les plus blâmables, le sentiment les entraîne ; il y a du naturel même dans leur dissimulation, et c'est chez elles seules que le crime se rencontre sans bassesse, la plupart du temps elles ne savent pas comment cela s'est fait." (pages 316-317)

Bref, seule la passion, l'amour d'un homme (enfin, pas toujours) peut engendrer une passion qui est susceptible de leur faire faire des actions qu'elles n'auraient pas réussi à concevoir par la pensée, la femme ne pouvant pas faire preuve d'une capacité de réflexion approfondie. En cela, elle semble proche de l'animal.
C'est franchement ridicule, ça fait vraiment rire (parce que c'est tellement gros !).

Et hop, une page plus loin, on peut lire : "Avec cette sagacité féminine qui embrasse les plus petits détails, elle pensait à tout." (page 318).

Enfin, c'est toujours pour l'amour d'un homme. La passion rend intelligent, mais ça ne dure pas.
D'un autre côté, l'homme se fait manipuler comme un benêt, parfois même en le sachant (et là, on pense à la Cousine Bette, notamment), c'est un thème qui traverse l'oeuvre de Balzac.

A propos de gens plus ou moins intelligents, les Chouans sont souvent présentés comme bas de plafond, proches du sol. Ils font tout en dépit du bon sens, notamment en ce qui concerne l'agriculture. Mais même pour se battre, ils y vont comme ça, brut de fonderie. " Plus loin, deux officiers paraissaient vouloir apprendre à quelques Chouans, plus intelligents que les autres, à manoeuvrer deux pièces d'artillerie de la future armée royaliste." (page 335).

On note aussi, dès Les Chouans (et sans doute bien avant encore) les références à la peinture. "il semblait aux convives voir dans ces deux figures un tableau bizarre où l'extravagant pinceau de Salvator Rosa aurait représenté la vie et la mort se tenant pas la main" (pages 456-457).

Il paraît (c'est Pierre Gascar qui le dit) qu'il y a de nombreux anachronismes ; je ne les ai pas vus (je suis nul en histoire, ça n'aide pas, et l'absence de note non plus). La préface met bien en évidence l'originalité de l'oeuvre à l'époque : le roman historique présentait des événements beaucoup plus lointains, bien tranchés entre les gentils et les méchants. Là, les événements présentés sont encore récents : ils se sont déroulés trente ans avant la sortie du roman. Cela change bien des choses.
De plus, Pierre Gascar écrit que certains personnages semblent sortir de Walter Scott, alors que d'autres font plus Zola ou Hugo. Ce n'est pas complètement faux, mais bon, même les Chouans misérables ne font quand même pas tout à fait Zola...

Il y a des scènes franchement efficaces (un homme tué, la tête tranchée et mise bien en évidence, chez lui... sa femme qui rentre avec son fils... l'envie de vengeance mêlée de fatalité, elle sait qu'elle va y passer, elle aussi), la fin avec son attente... et le petit retour en arrière qui explique ce qui se passait dans une certaine maison pendant que, avec les soldats embusqués, nous attendions. L'atmosphère brumeuse, le risque de voir surgir les Chouans, c'était très bien rendu.

Plus que de la psychologie ou des notations profondes sur l'homme et la femme (cela viendra après dans son oeuvre), c'est un roman d'action intéressant, souvent efficace, mais également souvent un peu agaçant de par le caractère caricatural de sa vision de la femme (qui semble l'obséder, j'en avais un peu ras-le-bol de lire "la femme ceci", "la femme cela" ; souvent, on aurait remplacé "la femme" par "l'homme", ça aurait été pareil, et également bébête et réducteur), et finalement la caricature de très nombreux personnages (Marche-à-Terre...). La Passion amoureuse amène à foncer, à ne pas réfléchir, à avoir des comportements contradictoires, et disons que ça dure un petit peu trop longtemps... c'est très exalté, l'exaltation empêchant manifestement de réfléchir deux minutes, même au bord d'un précipice. Ceci dit, c'est à la fois caricatural et en même temps on pourrait presque dire qu'il n'y a pas de vrais "méchants".

Ce n'est pas le roman idéal pour aborder Balzac, mais c'est intéressant une fois qu'on en a quelques uns au compteur.
Il est sûr que, sans cette lecture en commun, je n'aurais lu ce roman que dans quelque temps...

Je n'ai pas eu l'opportunité de participer comme prévu, désolée Mais le livre est toujours dans ma pile.

IzaBzh a écrit:

Je n'ai pas eu l'opportunité de participer comme prévu, désolée Mais le livre est toujours dans ma pile.

Bah, on ne fait pas toujours ce qu'on veut...