Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Parfum de livres… parfum d’ailleurs
Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 20:36
bix229 a écrit:
En effet, ça promet !
Oh que oui! Mais il faut dire que je l'ai vu dans des conditions idéales.
Par contre je suis surpris qu'Arabella, tout en reconnaissant ses qualités, insiste sur la lenteur et la distance que le film prendrait avec le spectateur. Il me paraît pourtant bien plus fluide et accessible que Post Tenebras Lux de Reygadas par exemple qui était particulièrement complexe (et génial) ou le dernier Bela Tarr pour la lenteur (mais quelle merveille là aussi!). J'attendais tellement de lenteur d'après ce que beaucoup en disaient que j'ai été surpris de voir s'enchaîner autant de plans avec pour la première fois de vrais mouvements de caméra par rapport à la plupart de ses précédents films. Et surtout il y a ici une humanité et une beauté qui nous transpercent profondément.
Je reconnais qu'il y a 2 scènes trop étirées où le père mange du poulet dans un terrain vague ou partage un repas avec ses enfants sous un abribus. Mais ce ne sont que quelques minutes sur 2h15 par ailleurs sidérantes de magnétisme et d'étrangeté abstraite tout en montrant une réalité sociale concrète.
Dernière édition par Marko le Dim 11 Mai 2014 - 23:25, édité 1 fois
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 21:55
Alors pour les deux scènes auxquelles tu trouves des longueurs, cela n'était pas le cas pour moi, en revanche d'autres endroit, en particulier la scène où le père mange la tête du chou par exemple. Alors si on les additionne pour chacun, cela va faire pas mal.
Pour la distance avec le spectateur, elle se mesure dans la difficultés que la quasi totalité des spectateurs éprouvent à suivre ce film, et c'est un fait. Et j'avais aussi lu des propos du réalisateur sur un document distribué au cinéma qui allaient dans ce sens, qu'évidemment je ne retrouve plus. J'ai vraiment eu le sentiment qu'il y a un refus d'aller vers le spectateur. Et la plupart ne suivent pas. Et c'est vraiment dommage compte tenu du talent du réalisateur. J'ai trouvé en comparaison Reygadas plus abordable et soucieux d'un dialogue. Mais c'est évidemment subjectif.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:01
C'est toujours troublant ce rapport subjectif à la lenteur. Mais finalement ça n'est pas très important. Il doit y a voir des moments où on est plus ou moins réceptifs. Et aussi une certaine affinité avec ce genre de cinéma contemplatif. Et dans ce domaine l'univers de Tsai Ming Liang est d'une singularité et d'une beauté peu communes.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:03
Arabella a écrit:
Pour la distance avec le spectateur, elle se mesure dans la difficultés que la quasi totalité des spectateurs éprouvent à suivre ce film, et c'est un fait. Et j'avais aussi lu des propos du réalisateur sur un document distribué au cinéma qui allaient dans ce sens, qu'évidemment je ne retrouve plus. J'ai vraiment eu le sentiment qu'il y a un refus d'aller vers le spectateur. Et la plupart ne suivent pas. Et c'est vraiment dommage compte tenu du talent du réalisateur.
Tu ne crois pas que ces mêmes spectateurs auraient dit la même chose du Bela Tarr? Pourtant c'est aussi un film d'une intensité hypnotique.
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:03
Marko a écrit:
l'univers de Tsai Ming Liang est d'une singularité et d'une beauté peu communes.
Je suis d'accord.
Mais c'est tellement particulier, et cela demande tellement au spectateur, que je ne le conseillerais à personne. Parmi les gens que je connais, il y a une seule personne qui a aimé ce film. Cela ne fait pas beaucoup.
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:08
Marko a écrit:
Tu ne crois pas que ces mêmes spectateurs auraient dit la même chose du Bela Tarr? Pourtant c'est aussi un film d'une intensité hypnotique.
Encore une fois c'est subjectif, mais je trouve que l'on ressent moins cela, il y a peut être malgré tout une linéarité dans le déroulé, des liens, qui font qu'on a quand même la sensation de n'être pas dans quelque chose de formel uniquement. Il faut suivre, mais quand on a pris le rythme, cela va tout seul. Et pour en avoir discuté, j'ai eu la sensation que plus de gens arrivaient à adhérer à cette esthétique et que le dialogue existait d'avantage. Mais évidemment, tout le monde ne le ressent pas de la même façon.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:10
héhé, pareil pour les scènes à longueur
par contre j'ai infiniment moins de mal avec un film comme celui là qu'avec le Post Tenebras Lux, parce que finalement les Chiens errants m'apparait plus ouvert, il y a une universalité/humanité palpable qui pourrait se dispenser de scénario (si on devait isoler la plupart des scènes) et il y a une "force de contemplation" que je n'ai pas trouvé dans Post Tenebras Lux.
je trouve que la forme des Chiens errants est plus facile à dépasser (si on devait le dire comme ça) pour s'intéresser, être pris par quelque chose. Il y a toujours des éléments très concrets qui relient le film à une perception très simple, immédiate.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:22
Arabella a écrit:
Encore une fois c'est subjectif, mais je trouve que l'on ressent moins cela, il y a peut être malgré tout une linéarité dans le déroulé, des liens, qui font qu'on a quand même la sensation de n'être pas dans quelque chose de formel uniquement.
J'espère que mon commentaire montre un peu que le film raconte aussi une histoire et n'est pas qu'un objet/installation purement formel
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Dim 11 Mai 2014 - 22:23
animal a écrit:
je trouve que la forme des Chiens errants est plus facile à dépasser (si on devait le dire comme ça) pour s'intéresser, être pris par quelque chose. Il y a toujours des éléments très concrets qui relient le film à une perception très simple, immédiate.
Oui je suis d'accord avec cette dimension humaine et palpable alors que Post Tenebras Lux est un flux de pensée plus cérébral même s'il raconte aussi des choses qui peuvent toucher.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Lun 12 Mai 2014 - 12:08
3 extraits qui donnent un peu le climat du film.
Les 2 premiers sont dans la 2ème partie lorsque le père est passé "de l'autre côté" après le fondu au noir qui suit la scène de la barque sous la pluie. La mère absente de toute la première partie y apparaît comme révélatrice des " secrets" de la maison qui pleure. Elle explique qu'il pleuvait beaucoup avant puis que l'eau s'est arrêtée. Ensuite on voit le père sortir de la salle de bain et passer à côté de ses enfants qui ont l'air d'ignorer sa présence. La séquence suivante qui n'est pas montrée ici voit la mère se rendre dans cette salle de bain et comme chercher puis "effacer" les traces de son passage.
Puis le 3ème qui est dans la première partie lorsque la femme du supermarché vient nourrir les chiens errants et caresser l'un d'entre eux qui semble malade.
J'aime cette idée que narrativement tout ne nous soit pas donné d'entrée comme dans un poème où la succession des vers crée une musique et un univers que chacun peut investir à sa façon même si l'artiste a sa propre vision. Il reste une place pour l'imagination et pour le rêve.
Tsai Ming Liang rêvant devant la fresque de Gao Jun Hong (qui serait une vision du vieux Taipei en même temps qu'un territoire abstrait):
J'ai trouvé quelques échos visuels à Stalker qui sont volontaires ou non (je ne sais pas, même si je suppose que Tsai Ming Liang connaît bien Tarkovski):
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Lun 12 Mai 2014 - 15:22
J'ai trouvé en anglais les paroles du poème de Yue Fei que le personnage de Lee chante pendant qu'il passe des heures à faire l'homme/pancarte dans la rue. Il y a un contraste et une ironie terribles entre ce texte et le désespoir qu'exprime Lee.
My wrath bristles through my helmet, the rain stops as I stand by the rail; I look up towards the sky and let loose a passionate roar. At the age of thirty, my deeds are nothing but dust, my journey has taken me over eight thousand So do not sit by idly, for young men will grow old in regret. The Humiliation of Jingkang still lingers When will the pain of the Emperor’s subjects ever end? Let us ride our chariots through the Helan Pass, There we shall feast on barbarian flesh and drink the blood of the Xiongnu. Let us begin anew to recover our old empire, before paying tribute to the Emperor.
All are red in the river de Yue Fei (chant patriotique du XIIe siècle)
HamsterKiller Main aguerrie
Messages : 544 Inscription le : 25/10/2013 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Jeu 15 Mai 2014 - 13:22
Pas encore eu l'occasion de voir un de ses films mais ce que vous en dites titille ma curiosité.
Le premier plan sur le mur, dns ton premier extrait Marko, ci-dessus, m'a aussi directement fait penser à Tarkovski, notamment la scène du Miroir lorsque les murs se décomposent.
Je note ce réalisateur pour tenter cela dès que possible. (J'ai vu mainte fois passer lorsque je farfouille en médiathèque le DVD avec la pastèque entre les cuisses, je pensais que c'était une comédie... Visiblement c'est pas le cas)
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Jeu 15 Mai 2014 - 14:34
L'ideal est de voir ses films dans l'ordre chronologique. On y trouve les mêmes acteurs qu'on voit évoluer. Lee Kang-Sheng est un peu son Jean-Pierre Leaud. Il admirait Truffaut et certains de ses acteurs fétiches sont dans Visage. Son cinéma est unique. Avec quelques sommets comme Gooodbye Dragon Inn, I don't want to sleep alone ou ce dernier et sublime Chiens Errants. Je l'admire infiniment.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Sam 17 Mai 2014 - 17:50
Je viens de lire cette interview sur allociné où il parle des Chiens errants et de sa conception de la lenteur et du cinéma en général qui ne satisfera probablement pas tout le monde mais qui me convient bien même si j'aime aussi d'autre regards et d'autres formes de cinéma évidemment.
Mon travail sur ce film n’a pas l’intention de traiter un sujet de société sur le chômage, l’homme sandwich peut venir de tous les horizons. Il pourrait faire ça aussi bien en Europe qu’en Asie. Le film est davantage sur l’essence même de la vie, comment un être humain peut en arriver là ? C’est un film qui questionne, je n’ai pas de solution mais je pense que cette question mérite une discussion. C’est un film qui montre les états d’âmes des êtres humains, il faut voir, accepter, admettre cet état. Ce n’est pas important de savoir pourquoi le personnage n’a plus de travail, pourquoi il s’est séparé de sa femme. Ce qui est important c’est de le voir à cet instant précis, pourquoi il est l’homme sandwich ? Je ne cherche pas à faire comprendre, je veux juste montrer et que le public voit.
Tous les personnages dans le film y compris les enfants sont fantomatiques. Est-ce qu’ils existent réellement ou sont-ils des fantômes, des mémoires, des souvenirs ? Certains spectateurs m’ont dit qu’ils ont l’impression que dans ce film tout le monde est mort, qu’il n’y a que des fantômes. Il faut regarder le monde qui nous entoure. C’est comme un sac, on est dedans et on ne peut en sortir. Au fond le problème c’est la question existentielle de chacun.
Lao Tse disait qu’il n’y a pas de hiérarchie entre adulte et enfant, la nature est égale pour tous, il n’y a pas de hiérarchie dans les étapes de la vie. On dit tout le temps qu’on est occupé, qu’on n’a pas le temps, est-ce qu’on ne peut pas simplement ralentir ? On est un peu comme des chevaux avec des oeillères, on va dans un seul sens. Quand le père est debout seul avec son panneau dans la pluie, il peut se demander, qu’est-ce que j’ai fait ? Ce n’est pas un film de désespoir mais c’est un film cruel.
On dit souvent que vous avez pour habitude de torturer vos spectateurs, est-ce que vous êtes d’accord ?
Torture ou plaisir… ça varie selon le spectateur. Qu’est-ce que l’essence du cinéma ? La plupart des spectateurs ne savent pas ce qu’ils regardent. Ils ne font pas la différence entre regarder un film et regarder la télé. Ils se comportent dans les salles de cinéma comme devant un téléviseur. Le cinéma c’est très important, c’est le fait de regarder. On dit parfois qu’un film est très bien écrit, mais pour moi un réalisateur, c’est avant tout quelqu’un qui sait filmer. Pour moi un réalisateur n’est pas un diseur d’histoires, c’est quelqu’un qui met en images.
Ce qui est essentiel dans mon travail c’est comment construire mon image et comment faire apparaitre le temps dans mon image. Ce n’est pas pour torturer le spectateur mais pour donner plus de force à mes films. Ceux qui prennent le film comme une torture sont peut-être chanceux car ils ne savent pas ce qu’est le cinéma. Pour comprendre le cinéma il faut peut-être commencer par ces souffrances-là.
HamsterKiller Main aguerrie
Messages : 544 Inscription le : 25/10/2013 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Tsai Ming-liang Sam 17 Mai 2014 - 19:12
J'aime bien ce qu'il raconte. Faut vraiment que je me visionne ça. (Je tenterai le premier, comme tu le recommandes)