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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Sam 4 Mai 2013 - 22:34
Et puis, de façon analogue, on admire les temples (et les statues, d'ailleurs) sans remettre la couleur d'origine, sans que ça nous paraisse absurde. Ça nous paraît d'ailleurs souvent plus beau, non ?
( cf ici )
Invité Invité
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Sam 4 Mai 2013 - 23:03
Arabella a écrit:
Mais j'avoue très franchement qu'autant j'avais ressenti un grand choc à la lecture d'Eschyle ou d'Euripide, autant Sophocle
Ah c'est étonnant, chez moi c'est tout l'inverse ! Euripide peut m'agacer, alors que Sophocle me régale. Et à traduire, Sophocle, c'est un bonheur ! Si on lit à la suite Electre de Sophocle ou d'Euripide, force est de constater, à mon humble avis, que la première est largement supérieure. Et l'on peut aussi compléter avec Les choéphores d'Eschyle, dans un style très différent bien sûr.
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Sam 4 Mai 2013 - 23:10
Armor-Argoat a écrit:
Si on lit à la suite Electre de Sophocle ou d'Euripide, force est de constater, à mon humble avis, que la première est largement supérieure. Et l'on peut aussi compléter avec Les choéphores d'Eschyle, dans un style très différent bien sûr.
J'aurais dit l'inverse pour la comparaison des deux Electre. Une question de goût.
Invité Invité
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Sam 4 Mai 2013 - 23:12
Arabella a écrit:
J'aurais dit l'inverse pour la comparaison des deux Electre. Une question de goût.
Eh oui, comme quoi, les goûts et les couleurs ! Je suis intéressée par l'avis de notre helléniste Sullien ; de Sophocle ou d'Euripide, lequel a tes faveurs ?
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 5 Mai 2013 - 7:18
Armor-Argoat a écrit:
Je suis intéressée par l'avis de notre helléniste Sullien ; de Sophocle ou d'Euripide, lequel a tes faveurs ?
Ouh là, je me souviens d'un jugement qui a eu des conséquences désastreuses. Même si ça remonte à loin. A mon avis, Sullien va y regarder à deux fois avant de se prononcer...
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 5 Mai 2013 - 9:08
Oui, attention.
Sullien Sage de la littérature
Messages : 1591 Inscription le : 23/10/2012
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 5 Mai 2013 - 12:34
Armor-Argoat a écrit:
Arabella a écrit:
Mais j'avoue très franchement qu'autant j'avais ressenti un grand choc à la lecture d'Eschyle ou d'Euripide, autant Sophocle
Ah c'est étonnant, chez moi c'est tout l'inverse ! Euripide peut m'agacer, alors que Sophocle me régale. Et à traduire, Sophocle, c'est un bonheur ! Si on lit à la suite Electre de Sophocle ou d'Euripide, force est de constater, à mon humble avis, que la première est largement supérieure. Et l'on peut aussi compléter avec Les choéphores d'Eschyle, dans un style très différent bien sûr.
Armor-Argoat a écrit:
Arabella a écrit:
J'aurais dit l'inverse pour la comparaison des deux Electre. Une question de goût.
Eh oui, comme quoi, les goûts et les couleurs ! Je suis intéressée par l'avis de notre helléniste Sullien ; de Sophocle ou d'Euripide, lequel a tes faveurs ?
En tant qu'helléniste, précisément, je préfère Sophocle à Euripide (comme Armor), parce que Euripide, très influencé par les sophistes, joue volontiers avec les mots, et déploie une langue très retorse, pleine de nuances et de polysémies, si bien qu'il n'est pas toujours évident de saisir l'ampleur et la richesse de certaines répliques (j'ai passé des heures laborieuses à essayer de comprendre certains passages de l'Alceste). D'un point de vue littéraire, c'est plus difficile à trancher. On aurait tendance à préférer Euripide, parce qu'il est très novateur et assez "moderne" (si bien d'ailleurs qu'il n'a pas été gâté par ses contemporains aux concours dramatiques !), quand Sophocle a quelque chose de plus classique dans la composition et la tonalité de ses pièces, quelque chose d'assez racinien je trouve. Les deux ont leur charme propre... mais je suis plus sensible aux pièces de Sophocle, que je connais mieux aussi, je l'avoue...
eXPie a écrit:
Armor-Argoat a écrit:
Je suis intéressée par l'avis de notre helléniste Sullien ; de Sophocle ou d'Euripide, lequel a tes faveurs ?
Ouh là, je me souviens d'un jugement qui a eu des conséquences désastreuses. Même si ça remonte à loin. A mon avis, Sullien va y regarder à deux fois avant de se prononcer...
Quésaco ?
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 5 Mai 2013 - 12:44
Sullien a écrit:
eXPie a écrit:
Ouh là, je me souviens d'un jugement qui a eu des conséquences désastreuses.Même si ça remonte à loin. A mon avis, Sullien va y regarder à deux fois avant de se prononcer...
Quésaco ?
Un indice :
Sullien Sage de la littérature
Messages : 1591 Inscription le : 23/10/2012
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 5 Mai 2013 - 12:51
Ah ! Vous m'avez bien eu, car je croyais que c'était moi, l'auteur de ce "jugement désastreux"... C'était quand même sadique d'exiger un tel choix du pauvre Pâris ! Ca me fait penser à un texte de J.-P. Vernant où il dit qu'il ne pouvait mieux choisir, finalement : je vais essayer de le retrouver, tiens, ça pourrait être drôle. Merci aussi pour la vidéo !!
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Lun 6 Mai 2013 - 21:27
Sullien a écrit:
En tant qu'helléniste, précisément, je préfère Sophocle à Euripide (comme Armor), parce que Euripide, très influencé par les sophistes, joue volontiers avec les mots, et déploie une langue très retorse, pleine de nuances et de polysémies, si bien qu'il n'est pas toujours évident de saisir l'ampleur et la richesse de certaines répliques (j'ai passé des heures laborieuses à essayer de comprendre certains passages de l'Alceste).
Donc, tu préfères Sophocle parce qu'il est plus facile à comprendre et à interpréter en tant qu'helléniste... ce qui signifie quand même qu'Euripide écrit des textes plus riches de sens ?
Sullien Sage de la littérature
Messages : 1591 Inscription le : 23/10/2012
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Lun 6 Mai 2013 - 22:49
colimasson a écrit:
Sullien a écrit:
En tant qu'helléniste, précisément, je préfère Sophocle à Euripide (comme Armor), parce que Euripide, très influencé par les sophistes, joue volontiers avec les mots, et déploie une langue très retorse, pleine de nuances et de polysémies, si bien qu'il n'est pas toujours évident de saisir l'ampleur et la richesse de certaines répliques (j'ai passé des heures laborieuses à essayer de comprendre certains passages de l'Alceste).
Donc, tu préfères Sophocle parce qu'il est plus facile à comprendre et à interpréter en tant qu'helléniste... ce qui signifie quand même qu'Euripide écrit des textes plus riches de sens ?
1/ Je ne veux pas être péremptoire cette fois : je suis sans doute passé à côté de plein de choses en lisant Sophocle (on y rencontre aussi bien des ambiguïtés) ; 2/ Dans le message que tu cites, ce que je désignais, ce n'est pas une question de "richesse", mais vraiment de polysémie* et de compréhension, ou d'accessibilité plutôt : un texte peut-être obscur, sans être "riche de sens" pour autant, ça serait trop facile ! Mais je suis incapable de résumer en quelques mots la "richesse" de sens des pièces de Sophocle : je suis une grenouille qui a lu son La Fontaine.
* n'hésite pas à découvrir l'univers sophistique, ou ce qu'il en reste : ça te donnera une bonne idée de la manière dont ça a pu filtrer dans les pièces d'Euripide ; tu peux aussi, si ce n'est déjà fait, te lancer dans la bataille lancée aux sophistes par Platon et Aristote (sur la question du langage en particulier )... J'ai encore du pain sur la planche de ce côté-là, et c'est pas faute d'y avoir consacré du temps, et de l'énergie (certains bouquins ont même fait un vol plané à travers la pièce ).
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Mer 8 Mai 2013 - 21:43
Sullien a écrit:
colimasson a écrit:
Sullien a écrit:
En tant qu'helléniste, précisément, je préfère Sophocle à Euripide (comme Armor), parce que Euripide, très influencé par les sophistes, joue volontiers avec les mots, et déploie une langue très retorse, pleine de nuances et de polysémies, si bien qu'il n'est pas toujours évident de saisir l'ampleur et la richesse de certaines répliques (j'ai passé des heures laborieuses à essayer de comprendre certains passages de l'Alceste).
Donc, tu préfères Sophocle parce qu'il est plus facile à comprendre et à interpréter en tant qu'helléniste... ce qui signifie quand même qu'Euripide écrit des textes plus riches de sens ?
1/ Je ne veux pas être péremptoire cette fois : je suis sans doute passé à côté de plein de choses en lisant Sophocle (on y rencontre aussi bien des ambiguïtés) ; 2/ Dans le message que tu cites, ce que je désignais, ce n'est pas une question de "richesse", mais vraiment de polysémie* et de compréhension, ou d'accessibilité plutôt : un texte peut-être obscur, sans être "riche de sens" pour autant, ça serait trop facile ! Mais je suis incapable de résumer en quelques mots la "richesse" de sens des pièces de Sophocle : je suis une grenouille qui a lu son La Fontaine.
* n'hésite pas à découvrir l'univers sophistique, ou ce qu'il en reste : ça te donnera une bonne idée de la manière dont ça a pu filtrer dans les pièces d'Euripide ; tu peux aussi, si ce n'est déjà fait, te lancer dans la bataille lancée aux sophistes par Platon et Aristote (sur la question du langage en particulier )... J'ai encore du pain sur la planche de ce côté-là, et c'est pas faute d'y avoir consacré du temps, et de l'énergie (certains bouquins ont même fait un vol plané à travers la pièce ).
Si certains de tes bouquins ont fait un vol plané, j'imagine que les miens finiront en charpie... mais c'est vrai que le domaine de la sophistique m'intéresse, surtout en ce moment où je suis en pleine lecture d'André Comte-Sponville. Dans la catégorie "sophistique appliquée", voilà un exemple parlant. Merci pour l'explication de la nuance.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 19 Mai 2013 - 11:15
Antigone (-442)
Dans la famille maudite, je voudrais les descendants du roi de Thèbes. On connaît tous le mythe d’Œdipe (merci Freud) mais Ismène nous le rappelle d’entrée de jeu pour rafraîchir les mémoires frivoles : « Notre père est mort réprouvé, déshonoré ; lorsqu’il s’est lui-même découvert criminel, il s’est arraché les yeux et sa femme, qui était sa mère, s’est pendue ». On ne rigole pas tous les jours avec Sophocle, surtout lorsque la malédiction semble ne jamais devoir prendre fin : « Et voici nos deux frères qui se sont entre-tués, ne partageant entre eux que la mort, les infortunés ! »
Antigone et Ismène ne sont même pas autorisées à rendre hommage à leur frère Polynice en lui accordant une cérémonie funéraire digne de ce nom. Au même moment, en effet, le roi Créon pose un décret interdisant de célébrer cet ennemi de la cité. Ismène et Antigone sont d’accord pour reconnaître que cet édit est une absurdité prétentieuse et arrogante ; toutefois Ismène s’y soumet dans les actes tandis qu’Antigone refuse d’obéir et rejette sa sœur, qu’elle considère comme une traîtresse. Créon est au service absolu des vivants contre la dignité des morts ; Antigone est totalement dévouée à ses morts contre les vivants.
L’affrontement entre ces deux volontés contradictoires paraît inéquitable, mais de nombreux personnages vont s’interposer entre Antigone et Créon pour tenter de les raisonner et de les encourager à faire preuve d’un peu plus de flexibilité. C’est surtout auprès du roi que les personnalités se succèdent : d’abord le Garde, puis Hémon, le fils de Créon, qui doit épouser Antigone, et enfin Tirésias le devin. Rien n’y fait. Créon ne flanche pas, persuadé d’avoir raison envers et contre tous, plein d’une confiance aveugle et dévouée au régime politique qu’il a mis en place pour « le bien public ». Créon fait placer Antigone et Ismène en réclusion avant de les condamner au sort fatal qui leur échoie.
L’outrage causé aux morts est grand mais une faute plus terrible encore est commise lorsque Créon refuse de croire aux mauvais présages divins adressés à Tirésias. Trop pragmatique et fier pour croire aux signes, Créon écopera du sort qu’il mérite. Encore une fois, comme dans Ajax, ce n’est que lorsque les instincts pécheurs commencent timidement à se remettre en question que la punition s’abat sur eux. La malédiction se perpétue…
Antigone est une pièce subtile qui présente des personnages nuancés, aussi divers et changeants que la multitude des relations existant entre un mort et un vivant. Aux deux extrémités du spectre, on trouve Antigone et Créon. Entre eux se succèdent Ismène, qui obéit aux lois de la cité sans renier pour autant son rapport aux morts et aux dieux ; le Coryphée, aussi versatile qu’il est dénué de jugement ; Hémon, qui respecte son père et qui exige que, par respect réciproque pour son fils, celui-ci tienne compte de son avis ; le Garde qui préfère l’obéissance divine à l’obéissance terrestre mais qui préfère avant tout sa vie à n’importe quelle autre valeur ; enfin Tirésias qui se fait l’intermédiaire censé entre Dieu et le pouvoir terrestre. Sophocle permet ainsi de lancer une réflexion mouvante sur le pouvoir politique, l’obéissance, la constance et la priorité des valeurs sur lesquelles se fondent un gouvernement et un individu. Réflexion qui ne cesse d’évoluer au cours de cette –pourtant- courte pièce car Sophocle, en passant d’un personnage à un autre, se fond avec leurs convictions et nous surprend en nous donnant l’impression de ne donner foi qu’à un seul d’entre eux, avant de faire preuve de tout autant de véhémence à défendre les convictions d’un autre. Si la morale d’Antigone n’a rien de surprenant dans sa sagesse, la façon dont Sophocle nous y fait parvenir est tumultueuse et ne cesse de capter l’entière attention de son lecteur. Agile mélange entre réflexion et sentiment, cette question de la définition politique aurait-elle pu être mieux résumée que par le désespoir de Crédon ? « Hélas ! hélas ! ô dure épreuve d’être un homme ! » C’est peut-être cette dernière dimension de l’émotion, qui manque aux réflexions politiques plus récentes, qui fait la richesse d’Antigone.
Citation :
« CREON. – […] Quiconque assume la direction d’un Etat, s’il a d’autres soucis que le bien public et se laisse clouer la langue par je ne sais quelle timidité, je dis –et je l’ai toujours dit- que c’est le pire des lâches. Et quiconque préfère à sa patrie un être cher est pour moi comme s’il n’était pas. Que Zeus le sache, qui lit dans les cœurs : je ne suis pas homme à me taire quand je vois l’égarement d’un seul mettre en péril le sort de tous. Jamais je n’aurai pour ami l’ennemi public. J’ai conscience que le salut de la patrie est le salut de chacun et qu’il n’y a pas d’amitié qui tienne dans une patrie en détresse. »
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Dim 19 Mai 2013 - 12:09
Et bien tu vois que tu as bien fait de persévérer Colimasss. Ajax n'est pas considérée comme la pièce la plus aboutie de Sophocle. Personnellement je regrette que nous n'ayons pas d'autres pièces sur le même mythe, par d'autres dramaturges. Cela pourrait mettre en lumière d'autres aspects du mythe. Mais la grande majorité du théâtre grec est perdue....
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Sophocle [Grèce] Mar 21 Mai 2013 - 21:49
J'ai bien fait de persévérer, d'autant plus qu'Ajax ne m'avait pas vraiment déçue... plutôt désarçonnée. Le théâtre de Sophocle (et de ses contemporains ?) est déroutant parce que sous des apparences simplistes, il est plutôt difficile d'accès.