Chroniques de la vie quotidienne

je viens de relire une phrase que j'avais notée et elle me semble coller avec ce que j'ai écrit hier. ou meme ailleurs...

"Je ne sais pourquoi les choses du passé me paraissent pleines de magique
mélancolie ; on ne se l'explique pas bien ; on se rappelle clairement que dans ce temps-là on n'était pas heureux et qu'on avait ses inquiétudes et ses peines, et, néanmoins, il semble que le soleil d'alors devait briller davantage et le ciel etre d'un bleu plus pur et plus splendide.
On voudrait que les personnes qui se rattachent à nos souvenirs fussent éternelles ..." Pio Baroja.

bix229 a écrit:

je viens de relire une phrase que j'avais notée et elle me semble coller avec ce que j'ai écrit hier. ou meme ailleurs...

"Je ne sais pourquoi les choses du passé me paraissent pleines de magique
mélancolie ; on ne se l'explique pas bien ; on se rappelle clairement que dans ce temps-là on n'était pas heureux et qu'on avait ses inquiétudes et ses peines, et, néanmoins, il semble que le soleil d'alors devait briller davantage et le ciel etre d'un bleu plus pur et plus splendide.
On voudrait que les personnes qui se rattachent à nos souvenirs fussent éternelles ..." Pio Baroja.

" J'aime tout ce qui fut,
Tout ce qui n'est plus,
La douleur dont je n'ai plus douleur,
L'anciene foi erronée,
L'hier qui douleur a laissé,
Celui qui a laissé joie
Seulement parce qu'il fut, et puis s'envola."
(Fernando Pessoa)

Les souvenirs, la nostalgie du passé, Coline, au rendez vous ce soir. J'ai
revu à la télé Arizona dream, et je me suis souvenu qu'Adalberto, l'ami Adalberto adorait ce film, onirique, poétique, et qui a bien vieilli je trouve...

bix229 a écrit:

Les souvenirs, la nostalgie du passé, Coline, au rendez vous ce soir. J'ai
revu à la télé Arizona dream, et je me suis souvenu qu'Adalberto, l'ami Adalberto adorait ce film, onirique, poétique, et qui a bien vieilli je trouve...

Moi aussi j'aime beaucoup ce film...et cette musique...
cliquer ici

Je voudrais bien savoir s'il existe quelqu'un qui n'aime pas la musique d'Arizona Dream!

Marie a écrit:

Je voudrais bien savoir s'il existe quelqu'un qui n'aime pas la musique d'Arizona Dream!

Oui...en effet...comment ne pas l'aimer?..
Ce qui est admirable c'est qu'on ne s'en lasse jamais...

Comme tous les métissages, la musique d'Arizona dream est un mélange réussi de musique gitane et slave avec Goran Bregovic et d'autre part, la participation d'Iggy Popp. Et sans oublier le médiateur Kusturica.

Mais quand meme, quelles ressources cet Iguane !

Quant à Goran Bregovic, j'apprécie beaucoup sa musique et notamment une belle version de Bella Ciao...
J'aime beaucoup ce morceau et il me rappelle pas mal de souvenirs... Notamment un défilé contre le fascisme au lendemain d'une certaine élection présidentielle. Une chanson qui pourrait servier encore...
... Et puis aussi un fil bien agréable sur un autre forum, il y a quelques temps...

En remontant le temps loin en arrière, dans mon enfance, je me souviens d'une maison et de ses habitants. C'étaient presque mes plus proches voisins et je vivais alors chez mes parents dans une ferme près de Nimes...

"Les Platanes", c'était une grosse batisse, du genre maison de maitre, en pierre de taille, s'il vous plait, avec des pièces trés nombreuses et de tailles très variées.
Cette maison était très massive, mais pas vraiment belle. Pourtant, elle me faisait rever avec son grand parc -non entretenu-, aux platanes deux fois centenaires. On y voyait encore un bosquet de thuyas et d'épicéas, un tertre planté d'arbustes et où tronait un bassin en forme de demi lune. Et que sais-je encore....
Il y avait meme un terrain de tennis abandonné et envahi par l'herbe.

En fait une sombre histoire pesait sur cette maison. Celle d'un médecin
nimois, riche et connu, et qui avait eu des problèmes avec la justice à la fin de la 2e Guerre mondiale, pour s'etre compromis avec l'occupant allemand.
Celui qui avait racheté la maison, un colonel à la retraite, avait attribué un logement à un jardinier sous réserve qu'il entretiendrait le parc et cultiverait un potager. Ce jardinier s'appelait Alphonse Crespi, un raiol (cévenol en patois occitan) natif de Lozère et doté d'un accent rocailleux
à faire péter les vitres.
En fait le parc était en friches, les massifs à l'abandon. Mais un parfum de légende soufflait sur le domaine.

D'Alphonse Crespi, on disait qu'il était un "original".
Et original, ça il l'était !
Il élevait des poules naines (et aussi des pigeons, des lapins, des chiens...) qui picoraient gaiement dans sa cuisine tapissée de dix centimètres de guano. Au bas mot !
A la fin de l'été, il faisait des conserves. Enfin, il essayait, vu que tous les bocaux ou presque explosaient. On l'entendait alors pousser des exclamations furieuses et barbares ...

Enfin et surtout, cet homme sans culture écoutait des opéras sur sa radio portative et notamment Régine Crespin, l'enfant du pays...
Je pourrais vous en dire long sur lui !
Un vrai personnage de roman et qui apparait d'ailleurs dans un livre de souvenirs d'un romancier nimois, Jean Pierre Milovanoff, qui vécut lui aussi dans ce domaine enchanté
et en ruines. Un séjour inoubliable qu'il décrivit dans un récit intitulé
Russe blanc (Julliard). Un très bon livre, comme ses romans : La Rosita, La splendeur d'Antonia, Auréline, etc...

Et c'est ainsi, comme je vous le disais, que les gens ordinaires sont parfois peu banals...
Si cette histoire vous a interessés, je vous parlerai du "russe blanc" en question,
qui est en fait au coeur du livre de Milovanoff...
Mais, il est tard, et il faudrait quand meme que j'aille manger !

Bon, alors tu manges vite et tu racontes. Et pourquoi Russe blanc, s'il était cévenol? Issu d'une famille d'exilés russes? Quelles histoires fascinantes il y a chez ces exilés...la dernière , c'est celle que je viens de voir dans ce film d'Ivory, racontée par un Japonais ( Ishiguro qui est très british-il était rabatteur de grouses pour la Reine , assez anglais comme métier quand même..)de toutes ces familles russes parties à Shangaï.

C'est bien parceque c'est toi, Marie ! Et parceque tu es sur un autre fuseau horaire...

...Donc, Marie, le "russe blanc" dont je parlais est au coeur du livre de Jean Pierre Milovanoff, parceque le russe blanc, c'était son père.

A 17 ans, il quitte précipitamment la Russie en pleine révolution, en pleine guerre civile, parcequ'il craignait de perdre la vie ou tout au moins sa liberté. Il était fils de "bourgeois" et à ce titre considéré comme "blanc", par opposition aux bolcheviks; Comme tu ne l'ignores pas...
C'était en 1921, je crois. Dans sa fuite, il a probablement croisé les armées "blanches" de Denikine et Wrangel, en déroute et qui se repliaient vers les frontières
avec l'Europe de l'Ouest...*
Il a peut etre entrevu le célèbre anarchiste ukrainien Nestor Makhno, lui aussi poursuivi par l'armée rouge de Trotski, après avoir été un moment
son allié contre les "Blancs".
Paul Milovanoff a franchi la frontière et il a traversé l'Europe en travaillant ici ou là, essayant de monayer son diplome de chimiste.

C'est son fils, Jean Pierre, bien après sa mort en 1965, qui a mené l'enquete et renoué les fils de cette histoire extraordinaire.
Finalement, Paul Milovanoff a échoué dans les Cévennes, où en tant
qu'ingénieur, il dirigeait des travaux d'explotation de minerais à Villemagne
le Haut, à 5O km du Vigan.
Il y rencontra une jeune institutrice qui enseignait là et il l'épousa.
Plus tard, il s'installera à Nimes dans la fameuse demeure aux platanes
où vivait aussi le jardinier lozérien et mélomane. Et c'est là aussi que vécut son fils qui écrivit toute l'histoire.

Tu as suivi Marie ?

Le père Milovanoff rata à peu près tout ce qu'il entreprit par la suite.
Je crois qu'on pourrait dire qu'il était une sorte de loser.
Jamais il ne put oublier son histoire passée, son exil. Mais il ne pouvait
pas vraiment en parler non plus...
La réalité parfois ferait presque oublier la fiction, mais pas pour lui.
L'exil est une malédiction qu'on ne peut partager avec personne.
Mais ça peut faire la matière d'un récit beau et émouvant...

Lis donc Russe blanc, Marie, c'est beaucoup moins long que Volmann, mais
tout aussi intéressant. Et peut etre meme plus ! Et c'est paru dans une collection de poche...

Marie a écrit:

Bon, alors tu manges vite et tu racontes.

Si c'est pas de l'autorité ça!...
Et ça marche!

Oui, j'ai suivi, Bix, merci!!!! Et je note le titre, pour ma prochaine commande.
Et donc Alphonse Crespi, le jardinier cévenol, chantait de l'opéra avec Régine Crespin. Et toi, tu étais leur voisin, c'est bien ça? Enfin, tes parents!
La suite demain?
Tu sais, Bix, le problème des histoires extraordinaires des gens ordinaires, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de monde pour les écouter. Savoir écouter et regarder, et y repenser, et approfondir les détails... en fait, il faut s'intéresser aux gens, c'est tout. Moi, je suis une écouteuse

Oulala y'a de la lecture là ! Je repasserai demain voir tout cela d''un peu plus près !

Ah oui, un qui me plait bien, comme écouteur, aussi, c'est Göran Tunström dans Partir en hiver. Il se pose dans un coin, il écoute, il regarde, sa femme dessine...

Absolument Marie, tu es une écouteuse hors pair !

Tu aurais pu devenir psychanaliste, je te l'ai déjà dit, et comme ça, je serais venu te raconter mes histoires. Et tu les aurais commentées...

Au fait, je suis quoi moi, Shéérazade ??!!