Petites mésaventures de voyage

aériale a écrit:

Queenie a écrit:

Et si tu trouves cet endroit trop ... rigide... pourquoi t'y vas ?


ça soulève une question : ça cautionne pas un peu leur fonctionnement que d'aller dans un pays où les lois nous semblent trop autoritaires?

Oui, on ne va pas débattre de ça maintenant, on prend l'avion dans 3 heures et je n'ai pas fini les valises.
Mais, et d'un, on a pris les billets en cliquant sur Lufthansa.com. Des prix coups de balai. Vu qu' on aime s'évader (c'est quasi un besoin dans notre cas actuellement, et c'est mieux que de s'adonner à la boisson ou se shooter à autre chose) on a dit banco et voilà.
Comme l'a dit quelqu'un ici, le voyage commence dans notre pensée, bien avant. Peu importe la destination.

Ensuite il est toujours bon de connaître de nouvelles mentalités, pays, us et coutumes. Je ne suis jamais contre.

Alors cautionner ou pas, ç'est un autre problème et même si j'exècre ces principes anti-libéraux, je vois plutôt cela comme une étude du comportement humain. Se fermer est contre mes principes.

Ceci dit je n'imaginais pas (avant de prendre les billets) que leurs lois étaient si débiles. Mais tu sais, ça peut venir très vite. En France, je ne trouve pas que l'on soit très libéraux et pourtant on y vit...



Voilà. Ma justification te convient t'elle Queenie?

Heu... je demandais pas de justifications, hein. C'est juste que tu semblais tellement ... réfractaire du coup à y aller.
Et puis t'as parlé de lois plus graves que le jeté de clopes... etc...

Je me posais juste la question du tourisme en tant que "citoyen du monde" (ouhou), je ne te visais pas personnellement Aériale.

J'ai encore oublié ce que OMG voulait dire...

Mais sinon ok Queenie!

Je m'interroge un peu depuis que j'en ai plus appris sur leurs règlements, c'est certain. Mais de toute façon maintenant on verra...Ce pays me parait un peu factice et aseptisé (un peu le Monaco asiatique) mais faut tout connaître dans la vie...

Octobre 1988, Sri Lanka.
J'étais allé là-bas dans le cadre d'une coopération entre deux établissements de formation à l'agronomie (une école française d'ingénieurs dont je venais d'être diplômé et une université sri-lankaise). Malheureusement, les "troubles" (que j'appellerai "guerre civile", pour ma part) frappant la partie sud-ouest de l'île entraînent la mise sous couvre-feu de cette zone-là.

Ignorant la mise sous couvre-feu, je suis intercepté, sur le chemin de la faculté, par une patrouille de l'armée sri-lankaise en embuscade de part et d'autre de la route. Le premier soldat qui surgit des fourrés et me braque est moins âgé que moi, mais, de nous deux, c'est quand même moi qui ai le plus peur. Je me dis que tout peut basculer dans le pire. Cependant, contrairement à ce que l'on raconte souvent, le film de ma (courte) vie ne défile pas devant mes yeux ; pendant quelques secondes, la peur gèle mon cerveau. Pas de film du tout ! Puis je reprends mes esprits, j'arrive à discuter avec l'officier responsable de la patrouille, je lui glisse sous les yeux ma carte de la fédération française de plongée, barrée de bleu-blanc-rouge, grâce à laquelle je prétends être rattaché à l'ambassade de France. Grâce à ce fragile papier, je suis ramené, sous "protection" de la patrouille, jusqu'à mon lieu d'hébergement.

Dans le même temps, la faculté d'agronomie, dont le doyen et plusieurs enseignants ont été tués, est fermée et transformée par l'armée en caserne.
Comme les habitants de ce district de Matara, je me retrouve, du fait du couvre-feu, interdit de sortir dans la rue 23 heures sur 24, et sans moyen de communiquer avec qui que ce soit pouvant m'apporter une aide (dont la représentation diplomatique française).
Après plusieurs jours de blocage, je décide de quitter quand même la zone sous couvre-feu, n'emportant que le strict nécessaire (vivres, eau et pharmacie d'urgence) dans un sac à dos, en passant par les plages la nuit et en me cachant le jour.
Je finis par atteindre un village hors zone du couvre-feu, et à prévenir l'ambassade de ma mésaventure.

A peine le temps de commencer à cogiter aux suites possibles de ma mission sur place, fortement compromise, et de m'accorder une semaine de tourisme dans le centre du pays avant de me poser à Ambalangoda.
Re-malheureusement, les troubles ayant progressé, la zone d'Ambalangoda est à son tour frappée de couvre-feu.
Il me faudra deux jours (et pas mal de dollars) pour trouver un chauffeur acceptant de m'avancer vers Colombo puis vers l'aéroport encore plus au nord, trois jours de voiture par sauts de puce, et des dizaines de dollars et de cadeaux divers de bakchich à des forces de police et de l'armée pour acheter des "laisser-passer" qui n'avaient d'autre valeur que de nous permettre de rouler une dizaine de kilomètres jusqu'au barrage suivant (et donc au bakchich suivant).

Quand l'avion de retour vers Paris a décollé, j'ai été submergé par toute la tension accumulé lors de ce séjour qui avait duré un mois au total, dont plus de deux semaines de couvre-feu. L'amertume d'une collaboration longuement préparée et finalement brisée par les armes, l'inquiétude permanente qui s'instille et s'installe dans un coin de l'esprit, un ressentiment vis-à-vis de la présentation diplomatique bien à l'abri derrière les hauts murs de ses belles villas de Colombo, et le soulagement quasiment animal de me dire que je m'en suis tiré sans mal.

Merci Xavier pour un témoignage sur un pays dont on ignore à peu près
tout, sinon qu' il ne nage pas dans la prospérité ni meme dans la sécurité
souhaitable...

tu n'as quand même pas manqué de sang froid et d'imagination en lui présentant ta carte de plongée.

un récit qui ferait un beau sujet de roman mais dont tu te serais bien passé d'être le héros, j'en suis sure

bix229 a écrit:

Merci Xavier pour un témoignage sur un pays dont on ignore à peu près
tout, sinon qu' il ne nage pas dans la prospérité ni meme dans la sécurité
souhaitable...

C'était, il y a vingt ans, un pays très contrasté, entre richesse et pauvreté, entre héritage colonial anglais et présent sri-lankais, entre bouddhisme et hindouisme, etc.
J'en ai gardé des images fortes, de la ville sacrée de Kandy aux plantations de thé, des fêtes locales à l'occasion de la pleine lune aux hôtels de luxe de la capitale, de la verticalité du Pic d'Adam aux pêcheurs perchés de la côte ouest, de la violence des sentiments politiques ou religieux de gens par ailleurs charmants, d'un mélange d'envie de s'en sortir et de fatalisme.

Bédoulène a écrit:

tu n'as quand même pas manqué de sang froid et d'imagination en lui présentant ta carte de plongée.

Pour tout dire, une fois que mon cerveau s'est dégelé de la première vague de peur, il s'est mis à tourner à toute allure. Une sorte de contre-coup. Quelques "trucs" piochés dans des souvenirs de livres et de films m'ont alors guidé dans mon esbroufe.
J'espérais, secrètement, que l'officier en question n'avait jamais pris la moindre leçon de français, parce que "Fédération française d'études et sports sous-marins", même en partie caché derrière mes doigts, c'était loin d'un laisser-passer très solide !

Citation :

un récit qui ferait un beau sujet de roman mais dont tu te serais bien passé d'être le héros, j'en suis sure

Aujourd'hui, quand j'y repense et quand j'en reparle, ça sonne comme une aventure hors du commun. Mais je me souviens quand même que, sur place, sans le recul, la saveur n'était pas vraiment celle d'un film qu'on regarde tranquillement installé sur un canapé.

Et encore, je n'ai pas parlé de mon voyage de retour avec la Pakistan International Airlines (c'était celle qui pratiquait alors les billets les mains chers sur cette ligne), avec une escale d'un jour et demi dans une ville de Karachi soumise à des flambées de violence (c'était la période de grande tension entre la mort du général-président putchiste Zia ul-Haq et les élections qui allaient mener Benazir Bhutto au pouvoir), puis une escale imprévue au Caire, où je n'ai pas été autorisé à quitter l'avion faute de visa pour entrer en Égypte, puis une escale à Francfort, avant d'arriver enfin à Paris... où un policier de l'air et des frontières m'attendait à la porte même de l'avion ! Sur le moment, j'ai cru - scénario du pire - qu'on avait mis de la dope dans mes valises pendant l'escale de Karachi. Mais il m'a vite rassuré en m'informant qu'il était un ami de mes parents de la part de qui il me donnait un billet d'avion pour rentrer de Paris à chez moi. Ouf !

Le dicton veut que "les voyages forment la jeunesse". Celui-là m'avait formé d'une manière inattendue. Et je dois reconnaître que ça m'avait sérieusement refroidi dans ma façon d'imaginer que je pouvais contribuer, à la mesure de mes moyens, à "sauver le monde".
Je tire mon chapeau à ceux qui s'engagent dans des projets de développement et des actions humanitaires dans des pays "difficiles". Pour ma part, cette mésaventure et d'autres, largement plus tragiques, ayant frappé plusieurs collègues jeunes ingénieurs agronomes dans les mois suivants, tués dans d'autres pays en Afrique et en Amérique latine, m'en avaient définitivement refroidi.

Citation :

Celui-là m'avait formé d'une manière inattendue. Et je dois reconnaître que ça m'avait sérieusement refroidi dans ma façon d'imaginer que je pouvais contribuer, à la mesure de mes moyens, à "sauver le monde".

On peut le comprendre.. Ce n'est plus au stade de la simple mésaventure, là..
Merci pour ton récit, Xavier!

C'est en effet beaucoup plus qu'une mésaventure...
Merci Xavier!

Merci, Xavier, pour ce récit passionnant qui heureusement s’est bien terminé.

Ta mésaventure avec Pakistan International Airlines me rappelle qu’à l’époque l’abréviation PIA se traduisait, dans le cercle des expats dont je suis, par Please Inform Allah.

Merci, Xavier, pour ton témoignage.

J'avais écrit plus haut d'une anecdote plutôy drôle pendant mon séjour au Sri Lanka en 1981. Mais malheureusement j'aurais pu ajouter aussi quelques bribes sur ce que j'ai vu sur le conflit déjà bien déchainé entre les Tamouls et les Singhalais. Le train qu'on a pris vers le Centre et le Nord avait été attaqué le jour avant: des fenêtres restaient brisé, et quelques Tamouls, de peur, SOUS les sièges en bois.
Nous rendant vers une ville voisine de Colombo, un matin on a vu les magasins des Tamouls incendiés...
Et pourtant on avait eu une impression "si paisible" de ce pays, ces gens qui peuvent apparaître tellement calme.
Des connaissances commençaient et soutenaient à l'époque un projet de cabanes/logement pour pêcheurs à Negombo. Ce projet a vraiment porté des fruits.
Cela semble très cruel de ma part de dire, mais certains engagements ne se font pas dans la facilité. Et pour beaucoup - hélas - c'est vraiment le don de sa vie....

Maline a écrit:

Merci, Xavier, pour ce récit passionnant qui heureusement s’est bien terminé.

Ta mésaventure avec Pakistan International Airlines me rappelle qu’à l’époque l’abréviation PIA se traduisait, dans le cercle des expats dont je suis, par Please Inform Allah.

Mon voisin dans l'avion, à l'aller, m'avait dit que cela pouvait aussi signifier "Pray in Allah" ou "Perhaps I'll arrive" !

Pour raconter une anecdote bien moins tragique qui va redonner un ton plus léger, en voici une qui m'est arrivée lors d'un séjour sur l'atoll de Rangiroa, dans l'archipel des Tuamotu, en Polynésie française.
C'était une escapade de quelques jours à Rangirao, avec ma compagne venue passer un mois avec moi en Polynésie, où j'effectuais mon service national scientifique. Rangirao était, à l'époque (à la mi-1992) un paradis pour la plongée, encore très peu fréquenté par les touristes.
Nous logions dans une petite cabane aux murs de planches et toit de tôle, à quelques mètres de l'eau.
Le premier soir, j'ai effectué mes gestes de prudence habituels en Polynésie, comme de secouer les draps pour éviter qu'un cent-pieds (surnom local des scolopendres) ne veuille partager notre couche pour la nuit sans y être invité.
Bien m'en a pris, car ce n'est pas un cent-pieds mais un petit scorpion que j'ai ainsi découvert. Fermement résolu à ne pas passer la nuit avec la menace du scorpion dans les parages (un scorpion certes pas mortel, mais l'idée de nous retrouver, ma compagne ou moi, avec une fièvre de cheval en cas de piqûre ne nous emballait pas), je décide de me montrer peu charitable et de faire passer la bête de vie à trépas en l'écrasant.

On raconte que les scorpions peuvent résister à une explosion de bombe atomique. Bon, faut voir. Mais je peux vous dire qu'un scorpion, ça résiste très bien à... une tentative d'écrasement à coups de tong !
J'en vois qui rigolent dans le fond de la salle, mais je reconnais que c'est bien avec une tong maniée à la main que j'ai tenté d'occire l'importun arachnide. Mais, après une dizaine de coups portés à mon adversaire, je me suis rendu à l'évidence : en procédant ainsi, j'aurais tout au mieux pu le faire mourir de vieillesse, ou de rire (oui, je parie qu'il en riait, le fourbe).

J'ai donc changé de méthode et j'ai affronté la bête en délaissant la tong pour le couteau de plongée. Moins risible, et plus efficace. Appelons ça "avoir les moyens de ses ambitions" !

Xavier C a écrit:

J'ai donc changé de méthode et j'ai affronté la bête en délaissant la tong pour le couteau de plongée.

Excellent, le combat au couteau contre le petit scorpion