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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 11 Jan 2011 - 22:34
Oncle Boonmee...
Quelques mots sur un film que j'ai vécu tel un rêve éveillé... En effet, Apichatpong Weerasethakul, par l'expression fluide et sereine de sa mise en scène, propose une une immersion visuelle et sonore. C'est un dépaysement à la fois brutal et envoûtant, qu'il développe avec une maîtrise encore supérieure à ses précédents films (qui m'ont davantage convaincu par séquences ou blocs). Ici, j'ai vraiment eu l'impression de ressentir une sensation de plénitude de bout en bout, et ce dès la première séquence, étrange et mystérieuse par ses ombres et la lenteur majestueuse de son rythme. De mon point de vue, Oncle Boonmee... est le film le plus ouvert et accessible de Weerasethakul. Il dévoile une poésie d'une immense douceur, parfois bouleversante dans la grâce de ses mouvements : ce voyage laisse une conscience d'"être" au monde, ne serait-ce que par un souffle, un silence, une respiration. Et Weerasethakul parvient à à évoquer la culture et l'histoire thaïlandaises sans diluer ou imposer un discours...au contraire, il célèbre l'indispensable portée d'une mémoire et d'une transcendance. Oncle Boonmee... offre beaucoup de niveaux de lecture, et à ce titre transmet la perception d'une liberté...c'est une remarquable proposition de cinéma.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 11 Jan 2011 - 22:57
Liberté, douceur, sensation de plénitude... Tout ça était déjà présent dans Blissfully Yours mais c'est vrai qu'ici on décolle dans un trip chamanique qui a un pouvoir hallucinatoire sidérant. A tel point qu'une fois le paroxysme de la transe atteint lors de ce passage entre vie et mort, la réalité peut alors se disloquer et tout de vient possible dans la dernière partie par l'abolition de toute notion de temps et d'espace. Je n'ai jamais vu ça au cinéma (où alors peut-être chez Lynch sur le versant plus obscur). J'ai eu l'impression qu'il avait touché au coeur du mystère de l'existence. Mais je déconseille la vision sur un écran de télévision. A moins d'être bien équipé. C'est du pur cinéma qui ne peut se vivre pleinement qu'en salle. La bande son en particulier est très élaborée.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 11 Jan 2011 - 23:59
Avadoro a écrit:
Oncle Boonmee...
Quelques mots sur un film que j'ai vécu tel un rêve éveillé... En effet, Apichatpong Weerasethakul, par l'expression fluide et sereine de sa mise en scène, propose une une immersion visuelle et sonore. C'est un dépaysement à la fois brutal et envoûtant...
Trois!...Nous sommes trois à en avoir eu des perceptions similaires!...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mer 12 Jan 2011 - 0:50
coline a écrit:
Avadoro a écrit:
Oncle Boonmee...
Quelques mots sur un film que j'ai vécu tel un rêve éveillé... En effet, Apichatpong Weerasethakul, par l'expression fluide et sereine de sa mise en scène, propose une une immersion visuelle et sonore. C'est un dépaysement à la fois brutal et envoûtant...
Trois!...Nous sommes trois à en avoir eu des perceptions similaires!...
Non... Animal a aimé aussi
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mer 12 Jan 2011 - 7:53
oui mais ce n'est pas intéressant ou ce doit être pour de mauvaises raisons!
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mer 12 Jan 2011 - 16:43
animal a écrit:
oui mais ce n'est pas intéressant ou ce doit être pour de mauvaises raisons!
Bien sûr que si que c'est intéressant! (Du coup, je suis allée te relire)...Hier, je n'avais pas remonté tout le fil et parlé un peu vite...je te prie de m'excuser...
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 25 Jan 2011 - 15:40
Il arrive et il est beau! Le DVD d'Oncle Boonmee sera dans les bacs le 16 février avec plein de bonus.
Citation :
Bonus: « Oncle Apichatpong », entretien avec le réalisateur (16')
« Lettre à Oncle Boonmee », court-métrage prélude au film (18')
7 scènes coupées (24') et Bandes annonces
Un livret de 24 pages
En parallèle sort le 1er février la version vostfr de "Syndromes and a century" avec des courts métrages complémentaires.
Citation :
En supplément, sur le DVD : - un livret de 24 pages : analyse inédite d'Antony Fiant, entretien avec Tony Rayns... - introduction au film (5 min) - "Luminous People" d'Apichatpong Weerasethakul (16 min, english subtitles, sous-titres français) - "Diseases and a Hundred Year Period" de S. Chidgasornpongse (20 min)
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Bravo Marko pour ce fil d'une très grande richesse !
J'ai tenté d'entrer dans l'univers d'A. W. la semaine dernière avec Tropical Malady, qui me faisait déjà les yeux doux depuis quelques temps... J'ai commencé à le regarder en m'attendant à un film assez contemplatif, pas vraiment bavard, plutôt lent (c'est ce qui ressortait des principaux avis glanés ci et là à propos de ce film).
Première bonne surprise : la première partie n'est pas si hermétique que ça. Elle décrit la vie de deux jeunes hommes d'une manière assez posée, je suis d’accord, mais pas du tout ennuyeuse. Au contraire, j'ai été surprise de voir une histoire d'amour aussi originale. Bien loin de la plupart des poncifs romanesque, elle s’esquisse peu à peu et prend souvent les allures d’un jeu. Il s’agit peut-être d’une particularité d’A. W. mais l’homosexualité semble être traitée, en Thaïlande, beaucoup plus sereinement que dans les pays occidentaux.
J'avoue en revanche que la deuxième partie m'a laissée un peu plus blasée... Les plans sont très beaux, mais comme tout ce qui est bon, mieux vaut ne pas trop en abuser. Un quart d'heure de forêt tropicale passe encore, mais au-delà, c'est pousser le vice un peu trop loin... On remercie les animaux qui parlent - un peu de bruit, un peu de mouvement, il se passe enfin quelque chose !- et les panneaux qui constituent une sorte de voix-off afin que le spectateur se sente un peu moins perdu au milieu de cette grande forêt dans laquelle on attend, on attend... Moi, je m'en fous, de perdre mon temps; de toute façon, lorsque je regarde un film, je suis toujours disposée et je ne pense pas à ce que je pourrais faire de mieux à la place. Je regrette seulement que cette partie soit si longue car elle perd tellement de son intensité... Après un quart d'heure, j'avais complètement décroché. Pour moi, la deuxième partie du film, ce sont les pensées qui me traversaient la tête au moment où je la regardais, mais absolument pas le film en lui-même. Conclusion : ça fait un drôle de mélange, pas très cohérent pour le coup...
J’ai entendu parler de Syndroms and a century et les commentaires laissés sur ce fil me laissent à penser que ce film me conviendrait peut-être mieux. Choisir l’univers de l’hôpital pour faire surgir une histoire un peu fantastique me semble être une très bonne idée, et je pense qu’il y aura certainement beaucoup moins de forêt tropicale que dans Tropical Malady (ça y est, je crois que je suis devenue allergique… )
A tenter en tout cas, car même si Tropical Malady m’a un peu déçue à la fin, j’ai toutefois encore assez d’espoir en A. W. pour m’attendre à quelque chose qui soit un peu plus à ma convenance.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Après un quart d'heure, j'avais complètement décroché. Pour moi, la deuxième partie du film, ce sont les pensées qui me traversaient la tête au moment où je la regardais, mais absolument pas le film en lui-même. Conclusion : ça fait un drôle de mélange, pas très cohérent pour le coup...
C'est un type de cinéma qui demande une grande disponibilité d'esprit pour ne pas décrocher et la télé n'est pas l'idéal pour le découvrir. Cette traversée hypnotique de la jungle est une expérience sensorielle onirique enveloppante qui se vit pleinement en salle. Et même là on peut ne pas adhérer. Mais si on accepte de faire cet effort de concentration et d'abandon au rythme languide et à la magie un peu chamanique du film, le résultat peut se révéler merveilleux. Non pas que ce soit intellectuel mais c'est un peu comme écouter une oeuvre musicale, c'est mieux de l'apprécier en concert ou bien concentré dans son fauteuil sans se laisser distraire. Pour tout recevoir et prendre le temps de l'apprécier dans sa globalité et sa durée, ses nuances, ses échos. Paradoxalement je trouve plus difficile de rester concentré sur la partie ayant l'aspect le plus documentaire. Tout y semble tellement anecdotique en apparence... Mais le dialogue entre les 2 parties est ce qui donne du sens à l'ensemble. C'est très beau et très pur. Apichatpong Weerasethakul est un très grand artiste et je me demande ce qu'il va nous offrir par la suite...
Dernière édition par Marko le Mer 27 Avr 2011 - 0:11, édité 1 fois
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 26 Avr 2011 - 21:56
Oui, je pense être passée à côté de quelque chose lorsque je lis tes commentaires...
peut-être que ce n'était pas le moment pour moi de voir ce film. Il faudrait que je revienne dessus dans quelques années, lorsque j'en aurais à nouveau envie. Et tu as bien fait de préciser l'importance du lien entre les deux parties. C'est vrai qu'une partie sans l'autre n'aurait pas eu autant d'intérêt que lorsqu'elles sont réunies et qu'elles s'expliquent mutuellement. C'est ce qui fais, comme je l'ai déjà dit, l'originalité de cette histoire d'amour.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Lun 27 Juin 2011 - 14:09
Une vidéo qui fait partie d'une série de travaux d'un certain Jeremy Giroux sur le thème de la "Love Story". Il reprend ici des séquences de Tropical Malady sur la musique d'Arvo Pärt (Für Alina) et un poème d'Emily Dickinson. Une porte d'entrée possible pour le film même si on peut juger les effets rajoutés un peu inutiles (le cinéma d'Apichatpong n'étant pas vraiment esthétisant):
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mar 27 Sep 2011 - 23:16
Le prochain film d'Apichatpong Weerasethakul devrait s'appeler 3.11 Sense of Home. Sera-t-il prêt pour le festival de Cannes 2012?
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mer 28 Sep 2011 - 0:28
Marko a écrit:
Le prochain film d'Apichatpong Weerasethakul devrait s'appeler 3.11 Sense of Home. Sera-t-il prêt pour le festival de Cannes 2012?
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Mer 22 Fév 2012 - 0:13
Un bel hommage à Oncle Boonmee sur Youtube à travers quelques extraits:
Citation :
Perhaps it is because I've become addicted to classic cinema the last few years, but I find modern movies to be increasing shrill, clumsily assembled and soulless. One of the few directors breaking new ground while keeping his feet firmly planted in classic film making, Apichatpong Weerasethakul has crafted a work of art that defies simplistic interpretation.
Using the environment as the soundtrack instead of grating, discordant music so often spoiling films of our era, Boonmee bathes the viewer in succulent imagery, real life sounds and a spiritual depth that rings so true to the reality of our everyday lives, despite being set in rural Thailand. Like Antonioni, Weerasethakul understands the power of silence and the clarity of image.
Though not for everyone, it is a must see for anyone who treasures cinema. To my eyes and ears, it is a masterpiece. It is the way I wish more movies would be made - honestly, lovingly and lasting. And where else would you see a catfish making love to a princess and have it be so elegant. And where else would you found a line as beautiful and profound as, "Heaven is overrated. There is nothing there".- Sky Saxon (Taken from IMDB user review)
Apichatpong reviens nous vite!
coline a écrit:
Marko a écrit:
Le prochain film d'Apichatpong Weerasethakul devrait s'appeler 3.11 Sense of Home. Sera-t-il prêt pour le festival de Cannes 2012?
Apparemment 3.11 Sense of Home n'est qu'une sorte de film collectif produit par Naomi Kawase. Des courts métrages de 3'11 chacun illustrant le thème du Tsunami qui a dévasté le Japon en mars 2011 ... Autant de pistes à explorer d'ailleurs mais il faudra encore attendre pour son nouveau film.
Bande annonce: Ici
Citation :
Réalisé par Joon-ho Bong (segment "Iki") Catherine Cadou (segment "La Dunette") Shunji Dodo (segment "beard") Víctor Erice (segment "Ana, Three Minutes") Pedro González-Rubio (segment "A Moment on Earth") Zhang Ke Jia (segment "Alone Together") Naomi Kawase (segment "Home") Leslie Kee (segment "Hope of Light") So Yong Kim (segment "Untitled") Isaki Lacuesta (segment "Farewell") Jonas Mekas (segment "Mont Ventoux") Kaori Momoi (segment "Heartquake") Takushi Nishinaka (segment "Yayo! March") Wisut Ponnimit (segment "Watering") Naguib Razak (segment "Belaian") Ariel Rotter (segment "Future House") Steven Sebring (segment "People Have the Power") Patti Smith (segment "People Have the Power") Kazuhiro Soda (segment "Home") Apichatpong Weerasethakul (segment "Monsoon") Toyoko Yamasaki (segment "Musubi") Ye Zhao (segment "Untitled")
Citation :
Award-winning director Naomi Kawase initiated a project in response to the devastating earthquake and tsunami which hit the Tohoku region of Japan on 11 March 2011. The result is an anthology of films, all 3 minutes 11 seconds in duration, addressing the theme of home. From Apichatpong Weerasethakula's Monsoon, to Jia Zhang-ke's Alone Together to Naomi Kawase's own contribution Home, this is a deeply personal and moving dedication to the victims of the earthquake and tsunami, and a poignant reminder of the universal significance of home. The film will screen on the one year anniversary of the earthquake and tsunami.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Apichatpong Weerasethakul Ven 16 Mar 2012 - 7:55
Tropical Malady
HIstoire à la tranquillité thaï... pourtant on commence par des soldats qui ramassent un cadavre et se prennent en photo avec. Un des soldats se lance dans un jeu de séduction avec un jeune de la campagne, fils de la famille où ils font halte avec leur cadavre, très tranquille scène de manger dehors la nuit dans le bruit des arbres. Le bruit de la ville et le garçon de la campagne moins frivole mais aussi mimétique, difficile de dire par moments lequel est le plus prédateur, du moins le plus intense... façon thaï cette relation se déroule tranquillement (sans toute fois utiliser de personnages de travestis comme on ne voit beaucoup dans les fils thaïs). Le doute du soldat séducteur et consommateur pourrait on dire se concrétise en reformation d'une légende d'un chaman khmer se transformant en tigre... une chasse épeurée au milieu de la jungle vers une ombre animale. La sienne, celle de l'autre, la force de l'instinct, la solitude, des mensonges.... dans le bruit des feuilles. Là où il y a moins de bruit, moins d'images à imiter, moins de frontières et moins de normes brutales ?
La dynamique du film se fait sur les doutes et l'altérité rationnelle très poreuse et sur des rapports de force un peu faussés en tournant autour de la fausseté, une fascination pour une plénitude plus grande (et une tradition terrestre ?).
C'est un chouette film, assez incisif et qu'on soupçonne de l'être plus encore si l'on connaissait mieux la Thaïlande. C'est assez loin d'une guimauve "contemplative".