Roman Polanski

Marko a écrit:

Carnage

Quand viendra le moment de faire le bilan de la carrière de Polanski, Carnage apparaîtra certainement comme un film mineur, parce que relevant du théâtre filmé et essentiellement porté par ses dialogues. Ce sera un peu injuste car cette adaptation fidèle de la pièce de Yasmina Reza est du vrai cinéma et que la mise en scène est d'une précision d'orfèvre alternant gros plans et plans moyens, ajustée parfaitement à la montée en puissance de cette comédie humaine qui atteint des sommets jubilatoires dans sa dernière partie. Et qu'elle peut rappeler, par certains côtés, son premier film, Un couteau dans l'eau, dans une toute autre tonalité, il est vrai. Ici, il s'agit en effet d'un pur jus de massacre, où les conventions sociales cèdent telles des digues au fil de petites piques a priori anodines et de comportements hypocrites et/ou agaçants qui font craquer le vernis au-delà d'une certaine limite. Et chacun de vomir, dans tous les acceptions du terme, sa bile dans quelques séquences d'anthologie, cruelles, sarcastiques, mordantes et franchement jouissives. Au moment où l'hystérie atteint son comble alors que le carré d"as réuni par Polanski commence à surjouer de façon éhontée, le film s'arrête brutalement. Frustrant, les 80 minutes sont passées trop vite, et malin, dans le sens où l'on peut imaginer la suite de cette "plaisante" conversation. Ou pas. Il serait délicat de sortir un comédien du lot, tellement ils se complètent et ont, chacun à leur tour, leur minute glorieuse où ils révèlent le pathétique de leur personnage. Un petit faible peut-être pour John C. Reilly, le plus à l'aise de tous, et le moins en surchauffe, mais cela reste subjectif.

Carnage !
Excellent !

Cynique, violent, drôle, pince-sans-rire, des acteurs époustouflants, une dégringolade dans la gestuelle, les habits, les mots, l'articulation, en total adéquation avec leur descente dans les abîmes de leurs plus gros traits de caractères bien marqués.

Quand le "petit bourgeois" voit la façade toute proprette de sa vie gentillette se fendiller de toutes parts.

Jouissif.

J'ai rit, j'ai dégusté. Les phrases font mouche. Les situations sont ahurissantes.

Voir Kate Winslet roter et vomir sur des bouquins d'art, c'est incontournable !

Et puis j'adore l'ironie du dernier plan. Les 2 gamins qui se sont agressés la veille redeviennent potes et s'amusent tranquillement avec leurs portables. Christoph Walz avait raison et la disproportion de ce jeu de massacre entre les 2 couples est d'autant plus dérisoire et jubilatoire.

Marko a écrit:

Et puis j'adore l'ironie du dernier plan. Les 2 gamins qui se sont agressés la veille redeviennent potes et s'amusent tranquillement avec leurs portables. Christoph Walz avait raison et la disproportion de ce jeu de massacre entre les 2 couples est d'autant plus dérisoire et jubilatoire.

On s'y attendait à cette fin. Elle est d'une logique implacable.

Carnage

Je n'en suis pas sorti enthousiaste, mais c'est certainement lié à ma relative indifférence au cinéma de Polanski. Je reconnais des réussites sans parvenir à être touché, et la deuxième partie de son oeuvre (depuis les années 80) ne m'offre guère que des déceptions.
Carnage révèle une virtuosité démonstrative et mécanique, qui m'apparait toujours prévisible jusqu'à frôler une lassitude. Si les performances d'acteur sont au rendez-vous, Waltz et Foster notamment ne sortent pas d'une zone de confort. Ils sont là où on les attend, sans prise de risque ou renouvellement. L'efficacité du récit tient certes jusqu'au bout, au service d'un pur exercice de style qui efface vite le sentiment d'un malaise.

Je rejoins un peu avadoro, je ne me suis pas ennuyée et j'ai même ri à certains moments mais heureusement que le film s'arrête au bout d'une 1h20 car j'ai ressenti quand même une usure en face de ces personnages et de leurs gesticulations que ce soit physiques (Jodie Foster malheur ! toutes ces crispations du visage, c'est trop) ou orales.
Pas étonnant que Kate Winslet vomisse (elle reste superbe même dans un acte pareil) ça frôle l'indigestion tout ça.

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne font pas rêver ces 4 là (les 2 couples), alors on a les enfants qu'on mérite, c'est la petite leçon que j'en retire.
Si l'un met un coup de boule à l'autre, y a qu'à voir les parents, sont complètement azimutés sous leurs apparences normales, pas étonnant que les gosses soient un peu déboussolés.

Sur la forme rien à redire, c'est théâtral, bien mis en scène, mais bon le sujet....c'est tellement ancré dans le réel et dans le quotidien bien exaspérant que l'exercice a ses limites en soi.

En repensant au film et à ses quatre acteurs (on ne voit qu'eux) je trouve que Polanski n'a pas vraiment fait dans la finesse

D'un côté on a Nancy (kate Winslet) femme chic, blonde décolorée au maquillage subtil, jupe noire et chemisier blanc, préoccupé par son sac à mains où se côtoient rouge à lèvres, parfum et miroir, mais reléguée dans sa vie conjugale aux travaux de "maisons et jardins".
Forcément l'antithèse de Pénélope (Jodie Foster) stricte jusqu'au bout des ongles, jupe noir et gilet grenat que même ma grand-mère que je n'ai pas connue n'a jamais dû porter, pas une once de maquillage, cheveux tirés, mais passionnée d'art et d'Afrique, sensible aux problèmes de ce peuple, du Darfour, psychorigide, dénuée de sex appeal, tout pour plaire vraiment...

Et puis il y a le mari de Nancy (Christophe Waltz), beau mec, avocat peu scupuleux qui défend les intérêts d'un grand groupe pharmaceutique, très branché Blackberry, beau costume, aux dents longues , affairé, stressé etc...
Opposé au plouc de mari de Pénélope, vendeur en quincaillerie, balourd au sens propre et figuré, légèrement beauf, des gros croquenots aux pieds.

Je m'attendais quand même à plus de nuance.

ça marche pas trop mal Carnage, on sent rapidement venir la tonalité (et l'apparence US du film, ... européen ?) mais c'est assez emmené et bien construit dans la dynamique pour sauver l'entreprise. Rythme relancé au besoin par un coup de portable bien placé ! Avec des inégalités légères selon les moments les acteurs s'en sortent pas mal du tout et l'arrivée du whisky a un effet réussi. L'amusement sur les valeurs de notre civilisation et de quelques hypocrisies ne révolutionnent pas non plus grand chose, et n'est au final peut-être pas plus intéressant que le décor, les fringues, et les postures physiques et morales très choisis (le regard, de la pièce initiale ? sur une modernité).

Mais oui j'ai bien rigolé quand même. Bizarrement pas vraiment jaune cependant, peut-être parce que trop construit, trop choisi et convenu en fin de compte.

darkanny a écrit:

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne font pas rêver ces 4 là (les 2 couples), alors on a les enfants qu'on mérite, c'est la petite leçon que j'en retire.
Si l'un met un coup de boule à l'autre, y a qu'à voir les parents, sont complètement azimutés sous leurs apparences normales, pas étonnant que les gosses soient un peu déboussolés.

Tu crois pas qu'ils ne sont pas plus "azimutés" que la moyenne des gens prêt à faire craquer le vernis des convenances au moindre problème titillant leur narcissisme? Il n'y a qu'à voir les dérapages réguliers sur ce forum pour se rendre compte qu'on est un peu tous dans le même bateau. Pas forcément des "connards caractériels" comme dit Christoph Walz mais un bouillon de pulsions contradictoires sous un couvercle de civilisation pas très étanche

Ok je suis d'accord, ils ne sont certainement pas plus dérangés que la plupart de ....nous, mais là, pour les besoins du film, on en rajoute un peu cinéma oblige , par exemple les mini crises d'hystérie des 2 femmes (au fait les hommes ne piquent jamais de vraies crises ? un peu convenu quand même de toujours montrer des femmes dans l'excès de contrariété comme si la névrose les guettait toujours au moindre problème alors qu'un bon vieux cigare ou un verre de whisky contente et apaise ces messieurs)

Oui c'est très théâtral et un film qui ne me poursuivra pas longtemps même si je me suis bien amusé.

Darkanny a raison, c'est vraiment très stéréotypé et pas certain que ce soit un film qui se revoit plusieurs fois, mais ça m'a bien fait rire.
Ça m'a un peu fait penser à tous ces dessins de caricatures dans les quotidiens. Gros traits, pour poilade immédiate et sans complexe. Après quand on réfléchit on sent le creux et les grossièretés dans l'étalage.

Mais ça m'a fait du bien. C'est le genre de comédie qui me plait.

Avadoro a écrit:

Je n'en suis pas sorti enthousiaste, mais c'est certainement lié à ma relative indifférence au cinéma de Polanski. Je reconnais des réussites sans parvenir à être touché, et la deuxième partie de son oeuvre (depuis les années 80) ne m'offre guère que des déceptions.

C'est vrai que son cinéma a depuis quelques années un côté lisse et fabriqué où on ne retrouve pas du tout la force et l'inspiration de ses premiers films (jusqu'au Locataire). La seule chose qui demeure c'est son intérêt pour la paranoïa, le monde extérieur et l'humain montrés comme hostiles, menaçants, source d'aliénation. Il y a un fil conducteur mais il s'est beaucoup aseptisé. Il lui reste quand même un certain savoir faire et un sens du divertissement.

Et il débarque avec un sujet là où on ne l'attend pas, à chaque fois, c'est surprenant.
Après comme tu dis Marko, il y a un fil conducteur et je continuerai à voir ses films, rien que pour cela et pour son talent de cinéaste, tout court.

Polanski a 77 ans et plus rien à prouver. Avant Le locataire, il y a son pire film qui soit : Quoi. Et son plus drôle : Le bal des vampires. Ses adaptations de Hardy, Perez-Reverte et Dickens, entre autres, ne sont pas si lisses que cela. Sans oublier La jeune fille et la mort, qui montre, avant Carnages, un huis-clos avec des enjeux toutes autres. Quand à Ghost Writer, je considère que c'est un exercice de mise en scène époustouflant, à disséquer plan par plan. Pour ce qui est de Carnage, de son sujet et des dialogues, ils sont d'une fidélité totale à la pièce d'origine. S'il y a des reproches à faire, c'est à Yasmina Khadra qu'ils doivent être adressés. Divertissement n'est pas un gros mot pour moi, quand c'est du prêt-à-porter de qualité. La remarque vaut pour le Scorsese de mercredi prochain.