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| Bouts de livres qui donnent faim | |
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Auteur | Message |
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Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Ven 11 Jan 2013 - 22:48 | |
| - colimasson a écrit:
- Nous t'attendons donc doublement : pour le texte et pour le nom de ce fromage mystérieux...
Arff, oui, me voilà bien. Prise en sandwich entre un texte pas encore posté, un nom de fromage corse que je n'arrive pas à retrouver, et une Colimasson qui n'a visiblement rien à se mettre sous la dent. Patience. Je n'arrive plus à suivre là. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Dim 13 Jan 2013 - 19:05 | |
| - colimasson a écrit:
- Dans Voyage au centre de la Terre, chez les Islandais, c'est ainsi que l'on dîne :
- Citation :
- « L’hôte nous servit une soupe au lichen et point désagréable, puis une énorme portion de poisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, et par conséquent bien préférable au beurre frais, d’après les idées gastronomiques de l’Islande. Il y avait avec cela du « skyr », sorte de petit lait caillé, accompagné de biscuit et relevé par du jus de baies de genièvre ; enfin, pour boisson, du petit-lait mêlé d’eau, nommé « blanda » dans le pays. Si cette singulière nourriture était bonne ou non, c’est ce dont je ne pus juger. J’avais faim, et au dessert, j’avalai jusqu’à la dernière bouchée une épaisse bouillie de sarrasin. »
Ah, du Skyr, j'en avais acheté dans un magasin, à Reykjavik : Ça ressemble vraiment beaucoup à du yaourt (en plus liquide), ici avec des fraises. C'est bon. Lepoisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, je n'ai pas goûté (mais du requin au bon goût de méthane, oui). Il faut que j'y retourne ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Dim 13 Jan 2013 - 22:39 | |
| - eXPie a écrit:
- colimasson a écrit:
- Dans Voyage au centre de la Terre, chez les Islandais, c'est ainsi que l'on dîne :
- Citation :
- « L’hôte nous servit une soupe au lichen et point désagréable, puis une énorme portion de poisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, et par conséquent bien préférable au beurre frais, d’après les idées gastronomiques de l’Islande. Il y avait avec cela du « skyr », sorte de petit lait caillé, accompagné de biscuit et relevé par du jus de baies de genièvre ; enfin, pour boisson, du petit-lait mêlé d’eau, nommé « blanda » dans le pays. Si cette singulière nourriture était bonne ou non, c’est ce dont je ne pus juger. J’avais faim, et au dessert, j’avalai jusqu’à la dernière bouchée une épaisse bouillie de sarrasin. »
Ah, du Skyr, j'en avais acheté dans un magasin, à Reykjavik :
Ça ressemble vraiment beaucoup à du yaourt (en plus liquide), ici avec des fraises. C'est bon. Lepoisson sec nageant dans du beurre aigri depuis vingt ans, je n'ai pas goûté (mais du requin au bon goût de méthane, oui). Il faut que j'y retourne ! Merci pour la photo ! Du yaourt en plus liquide ? mais... c'est de l'eau ! Ah tiens, puisque tu parles de requin, j'ai vu que le steak de requin se vendait... c'est bon ? ça ressemble à quoi, gustativement parlant ? | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Lun 14 Jan 2013 - 8:07 | |
| - colimasson a écrit:
- Ah tiens, puisque tu parles de requin, j'ai vu que le steak de requin se vendait... c'est bon ? ça ressemble à quoi, gustativement parlant ?
Il y a plusieurs types de requins, en fait. Le requin que l'on mange parfois en Europe (j'en ai déjà eu à la cantine) est du poisson que j'ai trouvé assez neutre. Par contre, celui mangé en Islande est différent : la chair est toxique. Comment le manger, alors ? Il paraît (légende ?) que la méthode a été trouvée par hasard. Un jour un Islandais reçoit chez lui quelqu'un qu'il veut tuer. Il se dit qu'il va l'empoisonner. Or, il avait pêché un requin quelque temps auparavant. Le requin (je ne sais plus s'il l'avait enterré ou non) a commencé à pourrir. Qu'à cela ne tienne, il prélève un morceau et le sert à son invité. Nous seulement son invité n'en est pas mort, mais en plus il s'en est trouvé mieux. Le requin mangé en islandais est un requin du Groënland, et la spécialité faite avec s'appelle Hákarl. - Citation :
- Le Hákarl (en islandais, requin) est une spécialité culinaire islandaise à base de requin du Groenland.
La chair de requin frais, en elle-même, est toxique à cause de sa forte teneur en acide urique, mais elle peut être consommée après une longue préparation. Le requin n'expulse pas son urine par un orifice, il la "sue" parce qu'il n'a pas de reins. Elle est servie en petits cubes, l'odeur d'ammoniac reste très forte, et le goût est assez proche d'un mauvais et vieux fromage. Les descriptions ne manquent pas pour relater l'expérience de sa dégustation. C'est plus une tradition culinaire islandaise qu'un plat recherché. source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hákarl . Concrètement, dans un restau, cela se présente ainsi : C'est servi sous forme de petits cubes dans une coupelle, tu en prends comme pour un apéritif (des apéricubes, quoi). Les premiers, ça va... mais l'arrière-goût, ah la la. On a l'impression d'un fromage de type camembert très, très fait... et même au-delà. Mieux vaut en prendre une part pour deux ou trois personnes, c'est préférable, et tenter une entrée à partager. Et avoir une bonne bière Viking à boire ! (c'est meilleur que la Brennivin...). (et ne pas savoir que le bon goût d'ammoniac vient de l'urine...) On notera de plus qu'il est servi froid, ce qui limite l'odeur. Ne pas traîner, donc ! | |
| | | krys Sage de la littérature
Messages : 2093 Inscription le : 06/09/2009 Age : 65 Localisation : sud ouest
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Lun 14 Jan 2013 - 10:36 | |
| - colimasson a écrit:
- Une tentative d'explication audacieuse sur l'association alcool/fromage (qui découle logiquement de l'extrait précédent):
- Citation :
- « On constate […] que le moyen de surmonter ce dégoût du fromage nauséabond développé par un imaginaire culturel et social, de le transformer en une expérience alimentaire et gastronomique structurante, consiste à « débarrasser » sa bouche de cette saveur inquiétante en absorbant de l’alcool, véritable détergent du dégoût sensoriel et imaginaire. Un système fromage fort/alcool s’équilibre donc, notre hypothèse étant que, au fil du temps, cette croyance se ritualise et la complémentarité se substitute à la stratégie de lutte contre l’influence maléfique et magique du fromage fort. L’alcool étant dangereux, on diminue ses effets par ce contre quoi, initialement, il luttait. »
Dans Penser l’alimentation – Entre imaginaire et rationalité c'est curieux, moi j'aurais plutôt eu tendance à manger du fromage pour masquer le goût du vin | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Lun 14 Jan 2013 - 22:42 | |
| Ouah ! Merci eXPie pour toutes ces informations ! Tu es un professionnel de la gastronomie irlandaise ? Et j'en apprends au passage de belles sur l'anatomie du requin... il pisse par la peau ? J'aimerais bien avoir cette capacité moi aussi, de temps en temps... je tiens difficilement le litre et c'est pénible de devoir toujours se demander où sont les toilettes à chaque fois qu'on arrive dans un nouveau lieu Bref, pour résumer : manger du requin, c'est comme manger du fromage, mais sous forme solide. Chouette ! (déçue que le steak de requin que j'ai vu au magasin ne soit qu'un poisson embelli par les appellations...) - krys a écrit:
- colimasson a écrit:
- Une tentative d'explication audacieuse sur l'association alcool/fromage (qui découle logiquement de l'extrait précédent):
- Citation :
- « On constate […] que le moyen de surmonter ce dégoût du fromage nauséabond développé par un imaginaire culturel et social, de le transformer en une expérience alimentaire et gastronomique structurante, consiste à « débarrasser » sa bouche de cette saveur inquiétante en absorbant de l’alcool, véritable détergent du dégoût sensoriel et imaginaire. Un système fromage fort/alcool s’équilibre donc, notre hypothèse étant que, au fil du temps, cette croyance se ritualise et la complémentarité se substitute à la stratégie de lutte contre l’influence maléfique et magique du fromage fort. L’alcool étant dangereux, on diminue ses effets par ce contre quoi, initialement, il luttait. »
Dans Penser l’alimentation – Entre imaginaire et rationalité
c'est curieux, moi j'aurais plutôt eu tendance à manger du fromage pour masquer le goût du vin ... moi aussi ! | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Lun 14 Jan 2013 - 22:50 | |
| - colimasson a écrit:
- Ouah ! Merci eXPie pour toutes ces informations ! Tu es un professionnel de la gastronomie irlandaise ?
Islandaise, pas irlandaise. J'ai juste essayé la spécialité locale (le brennivin aussi). Le meilleur, c'est l'agneau, ah la la, ce qu'il est bon, là-bas. Les agneaux vivent en liberté et leur viande est naturellement légèrement salé, car l'herbe l'est (l'océan n'est pas loin, et il y a du vent). Les meilleures côtelettes d'agneau grillées que j'ai mangées. Je ne sais pas si c'est tous les requins qui pissent par la peau, ou seulement quelques-uns (parce que, pourquoi le requin islandais serait-il toxique et pas les autres ?). Et, quand même, ça leur laisse un sale goût. Alors, en avoir la capacité, ça peut être pratique, mais s'il faut te mettre des litres de parfum pour cacher l'odeur, c'est moyen ! | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Mer 16 Jan 2013 - 22:08 | |
| Islandaise oui, je commence à me mélanger les pinceaux... C'est vrai, bizarre cette histoire de requins... Dans l'extrait que tu nous as présenté, le terme générique "requin" est utilisé, et ça m'étonnerait qu'entre deux espèces, il existe des variations aussi grandes quant à la manière de pisser ! Il faudrait lire un livre sur le sujet... Tu te lances ? | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Dim 27 Jan 2013 - 19:43 | |
| Technologie culinaire(2004) de Michel Maincent Michel Maincent, maître gourou des étudiants et des professionnels de la cuisine, semble n’avoir commis qu’une grande œuvre bibliographique au cours de sa carrière : sa bien-connue Cuisine de Référence qui trône comme modèle indétrônable depuis des générations et qui fait l’objet de multiples rééditions augmentées. Si ce manuel de techniques culinaires s’accapare la première place de la devanture, il ne faudrait pas oublier que Michel Maincent a également publié d’autres livres dont cette Technologie Culinaire. Ceux qui connaissent déjà la Cuisine de Référence ne seront pas perdus et loucheront peut-être même sur des pages qui leur sembleront étrangement familières. Les éternelles phases de présentation des démarches d’hygiène ou le listage du matériel utilisé en cuisine seront même soupçonnées d’avoir fait l’objet d’un copier-coller en bonne et due forme. La mise en page du manuel récupère quant à elle les mêmes codes graphiques : la Cuisine de Référence et la Technologie culinaire ouverts côte à côte semblent figurer une famille qui s’agrandit dans la plus grande effusion culinaire… Dans le contenu, la Technologie culinaire s’oriente moins vers les techniques de production de recettes que sur la nature des ingrédients en eux-mêmes. Produits laitiers, fruits, légumes, féculents, viandes, poissons, desserts… Toutes les informations bonnes à glaner à ces sujets sont répertoriées sous couvert d’un semblant d’organisation au sein duquel il n’est toutefois pas évident de naviguer… Reste qu’à la chasse aux anecdotes surprenantes, Michel Maincent ne déçoit pas. Les renseignements recherchés ne se glaneront peut-être pas comme à la pêche au canard mais pour celui qui décide de se balader tranquillement entre les pages de la Technologie culinaire, de curieuses surprises ne manqueront pas de le ravir. Où se trouve le gîte-gîte chez le bœuf ? Quelle est la différence de fabrication qui aboutit d’une part au yaourt ferme, d’autre part au yaourt brassé ? Que veut dire « ras-el-hanout » ? Comment composer un menu entrée-plat-dessert qui soit gastronomiquement harmonieux ? La carotte et la coriandre partagent-elles la même parenté ? … Michel Maincent joint ici l’utile à l’agréable en n’oubliant pas de parsemer ses fiches techniques de renseignements anecdotiques mais croustillants. Sous son titre barbare, la Technologie culinaire se montre en réalité beaucoup plus enjouée qu’elle n’y paraît… | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Jeu 14 Fév 2013 - 13:31 | |
| Les vertus des aliments (2000) de Paule Neyrat Comme les optimistes qui voient leur verre à moitié plein, Paule Neyrat, du haut de ses fonctions de diététicienne et cuisinière gastronomique, considère les aliments sous les plus beaux atours de leurs vertus. Heureusement, ceci ne l’empêche pas de glisser toutes les remarques nécessaires sur leurs éventuels inconvénients –l’optimisme ne devant jamais verser dans l’enjolivement. Comme dans de nombreux manuels diététiques, les aliments sont répertoriés en fonction de leur nature : viandes, poissons, produit laitiers, céréales, fruits, légumes, produits sucrés, graisses et boissons. Mais ici, les aliments ne disposent pas seulement d’une courte entrée. Paule Neyrat leur consacre un espace plus ou moins important au sein duquel elle insère des informations qui excèdent le domaine diététique. Sans s’infliger l’énumération de données systématiques, elle adapte son discours à chaque aliment, choisissant à son propos ce qu’elle juge le plus utile à citer. Outre les données nutritionnelles, on trouvera donc des informations complémentaires qui aident à comprendre l’action des aliments sur l’organisme au niveau biochimique. Paule Neyrat nous rappelle également qu’un aliment n’arrive que très rarement seul dans l’estomac, et qu’il existe des combinaisons de nourritures plus ou moins favorables à la digestion et à l’alimentation du mangeur. Ainsi Paule Neyrat présente-t-elle ses connaissances en matière de diététique, mais elle n’oublie pas non plus d’évoquer son expérience dans le milieu de la cuisine gastronomique. Dans cette conjonction de savoirs, la science diététique trouve sa sublimation dans une démarche visant à exacerber les saveurs et l’intérêt nutritionnel des combinaisons d’aliments. Dans une démarche déculpabilisante, Paule Neyrat nous prouve qu’il n’est pas forcément malsain de préparer son repas autour d’un plat de viande ou de féculents richement agrémenté, si on décide par ailleurs de l’accompagner de crudités ou de fruits, ou de compenser sur les autres repas de la semaine. Et parce que les fruits et les légumes ne devraient pas être considérés comme des nourritures austères mais au contraire comme des aliments permettant de relever les saveurs des plats principaux, Paule Neyrat renouvelle les classiques en les agrémentant de végétaux ou de fruits : cailles aux figues, oie farcie aux pommes, omelette à la ratatouille, gratin de pommes de terre aux oignons, riz au curry et à la noix de coco, petits pois à la menthe ou mousse de poires… impossible de rester réfractaire à ces aliments injustement considérés comme rasoirs. Qu’on ne s’y trompe pas toutefois : Les Vertus des aliments reste avant tout un manuel de diététique et les recettes ne figurent qu’à titre d’exemple illustratif. Ce livre se dévorera donc avec appétit, avant tout pour les lecteurs qui souhaitent découvrir la vie des aliments après la digestion… Entre autres informations, glanées pour le plaisir : - Citation :
On lui [le sucre] a beaucoup reproché son absorption rapide, génératrice d’hypoglycémie et de fringales entraînant inévitablement une prise de poids. Maintenant que l’on s’est aperçu que son idex glycémique est certes élevé (86), mais moins que celui de la carotte (133) ou du miel (126), les mentalités vont peut-être évoluer. - Citation :
- A température moyenne, les acides gras saturés sont solides, tandis que les acides gras insaturés sont fluides. Les corps gras sont composés d’un mélange d’acides gras saturés et insaturés, mais dans des proportions variables. Plus ils sont riches en acides gras saturés, plus ils sont solides : c’est le cas du beurre, qui contient une très forte proportion d’acides gras saturés. En revanche, plus un corps gras est riche en acides gras insaturés, plus il est fluide. C’est pourquoi les huiles, composées en grande majorité d’acides gras mono et polyinsaturés, sont liquides.
- Citation :
- Les Français n’ont jamais beaucoup aimé le riz, même quand ils avaient faim. Au XVIIIe siècle, des Auvergnats refusèrent même obstinément d’en manger, alors que la famine régnait dans leur région. Le riz n’est d’ailleurs cultivé en Camargue que depuis 1942.
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| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Ven 22 Fév 2013 - 13:20 | |
| La grande cuisine minceur (1976) de Michel Guérard La cuisine minceur est devenu le quotidien des citoyens modernes que nous sommes –si ce n’est pas dans la pratique, ça l’est tout du moins dans la théorie et il suffit d’avoir des yeux et des oreilles fonctionnels pour s’en rendre compte. Michel Guérard, cuisinier français né en 1933, a été l’un des précurseurs de ce tournant en publiant en 1976 sa Grande Cuisine minceur. Rééditée de nombreuses fois, il nous fait partager dans la préface de cette nouvelle édition le rôle tragique qui échoit de bon droit aux vrais chefs cuisiniers qui se respectent : comment ne pas succomber à sa propre cuisine ? N’est pas lyrique qui veut, mais Michel Guérard joue le jeu avec une pointe de dérision :
« Il y a si longtemps que je rêve, plus le jour que la nuit, d’ailleurs. Un de ces matins-là, je m’éveillai en sueur, d’un sommeil lourd et adipeux. Toute la nuit, comme tant d’autres nuits, j’avais tenté de m’envoler ! Mais cette fois, en vain, hélas ! Mon pauvre corps, lesté de trop de relents de sauces riches et voluptueuses, avait tant et si bien enflé qu’il me clouait pour l’éternité à ce sol où le rêve a perdu pied… »Après avoir souffert les tourments des « grillades-haricots verts à l’eau » (que certains plus démunis aimeraient certainement bien bouloter de temps à autre), Michel Guérard est sorti de sa torpeur culinaire et a décidé que son amincissement passerait par l’allègement de sa cuisine. Ainsi est née la cuisine minceur… Aux lecteurs du 21e siècle, attention : la cuisine minceur de Michel Guérard n’a rien à voir avec la cuisine minceur des diététiciens et nutritionnistes d’aujourd’hui. Chef « gastro » avant tout, il n’accorde aucune importance à l’équilibre nutritionnel et, afin de pouvoir continuer à se faire plaisir avec des dindonneaux, des pintades, des sauces à la crème (allégée) et des flans au lait (écrémé), il élimine purement et simplement de ses préparations certains aliments tels que les féculents. L’imprégnation d’une image « noble » de la gastronomie française reste encore très marquée et risque de surprendre le lecteur, habitué à des repas casuels mais pas mauvais pour autant. La plus grande vertu des recettes de la Grande Cuisine minceur de Michel Guérard tient en leur irréalisabilité -à moins d’être chef cuisinier comme lui et de cumuler à la fois ces deux atouts nécessaires : avoir du temps pour faire la popote, et avoir du blé pour acheter des ingrédients improbables. Imaginez-vous, un dimanche matin, fatigué d’avoir passé une semaine éprouvante. C’est à vous de vous coltiner le repas du midi. Plein de bonnes intentions, vous projetez de construire un menu « minceur » en vous inspirant des conseils de Michel Guérard. Devant la liste des entrées, vous vous découragez tout de suite avec, par exemple, cette « salade de homard au caviar » qui vous coûtera le salaire de la semaine que vous venez justement de passer ; et ce n’est pas la « salade de cervelles d’agneau » qui viendra vous réconforter… Faisant une croix sur les entrées, peut-être penserez-vous avoir plus de chance avec le plat principal. Pourquoi pas un gigot de poulet ? Mais le temps que vous réunissiez tous les ingrédients nécessaires à la préparation du plat (marjolaine, fond de volaille, ris de veau, blanc de poulette, oignons, champignons de Paris, morilles, porto, mousse de champignons, purée de cresson, fromage blanc, crème fraîche, carottes, céleri-rave, asperges, haricots verts, oignons grelots…) l’heure du déjeuner sera largement révolue. Ne reste donc plus que le dessert. Après tout, vous avez toujours été un bec sucré... Avec Michel Guérard, vous allez carrément devenir un bec aspartamé ! Vite faits, bien faits, les desserts minceurs du cuisinier ne se cassent pas la tête : on remplace le sucre par de l’édulcorant (20 cuillères à soupe en moyenne par recette), le lait entier ou demi-écrémé par du lait écrémé, et on fait de la crème Chantilly avec du fromage blanc 0% et des blancs d’œufs montés en neige ! Et vous allez bouffer du fruit sous toutes ses formes. Ce seront toujours les mêmes, à deux ou trois différences près –kiwi, ananas, pomme, orange- mais déguisés comme des petits malins, de telle sorte que Michel Guérard espère peut-être qu’on ne les devinera plus vraiment lorsqu’ils seront cachés derrière des appellations pompeuses du genre : « ananas surprise », ou encore : « orange à l’orange ». On a failli oublier de préciser qu’en inventant la cuisine minceur, Michel Guérard a aussi inventé l’art du packaging –celui qui permet de vendre à prix fort des cochonneries de bas étage. Finalement, il faut bien reconnaître que Michel Guérard a inventé une cuisine révolutionnaire qui permettra à l’être humain lambda de mincir à une vitesse impressionnante : qu’on soit limité dans son budget ou dans son temps libre, ou qu’on ne soit tout simplement pas convaincu par les aspects attractifs de « rognons de veau en habit vert » ou d’un « gâteau de foies blonds de volaille », la Grande Cuisine minceur vous convaincra forcément de ses vertus dépuratives. En effet, il n’y a pas de cuisine minceur plus efficace que celle qui ne donne pas envie d’être pratiquée… | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Ven 22 Fév 2013 - 20:29 | |
| Et le livre a connu plusieurs éditions ? les éditeurs ne savent vraiment pas quoi rééditer. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Ven 22 Fév 2013 - 20:57 | |
| "salade de homard au caviar"... Quels goûts simples ! C'est aussi le portefeuille qui fait un régime minceur ! Merci, Coli, c'était bien marrant ! | |
| | | Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Ven 22 Fév 2013 - 21:19 | |
| - colimasson a écrit:
- Devant la liste des entrées, vous vous découragez tout de suite avec, par exemple, cette « salade de homard au caviar » qui vous coûtera le salaire de la semaine que vous venez justement de passer ; et ce n’est pas la « salade de cervelles d’agneau » qui viendra vous réconforter…
- Arabella a écrit:
- Et le livre a connu plusieurs éditions ? les éditeurs ne savent vraiment pas quoi rééditer.
Oui c'est le moins qu'on puisse dire. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Bouts de livres qui donnent faim Dim 24 Fév 2013 - 21:40 | |
| - Arabella a écrit:
-
Et le livre a connu plusieurs éditions ? les éditeurs ne savent vraiment pas quoi rééditer. Oui, ils ont essayé de cacher le contenu en fournissant une jolie couverture... Il faut que je vous mette encore quelques autres noms de mets folichons pour égayer vos papilles Je reviendrai... | |
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