Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]

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coline
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MessageSujet: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMer 21 Fév 2007 - 18:51

Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] Charle11
LesamisdeRamuz
 
Bio
Rivela a écrit:
C.F. Ramuz est né à Lausanne le 24 septembre 1878.
Après une licence ès lettres classiques à l'Université de Lausanne, il enseigne au collège d'Aubonne (Vaud), puis est précepteur à Weimar (Allemagne).
En 1903, il part pour Paris, sous prétexte de rédiger une thèse sur Maurice de Guérin, thèse qui ne verra jamais le jour. Il séjourne à Paris jusqu'en 1914, avec de fréquents retours au pays.
Dans ses premiers textes, écrits lors de sa période parisienne (Aline (1905), Jean-Luc persécuté (1909), Vie de Samuel Belet (1913), Aimé Pache, peintre vaudois (1911)), Ramuz développe ses grands thèmes: solitude de l'homme face à la nature, poésie de la terre. Les romans de cette période sont centrés sur un personnage.
1914 marque la fin des romans organisés autour d'un personnage, Ramuz leur préférant dorénavant des communautés. Il y a une évolution dans son écriture: abandon de la narration chronologique et linéaire; multiplication des points de vue; substitution, au protagoniste traditionnel, d'une collectivité qui s'exprime à travers le "on" anonyme. L'écriture cherche alors à exprimer, dans sa nudité, le drame de collectivités villageoises combattant les forces du mal, les forces qui travaillent ces communautés, guerre, misère, peurs, menaces cosmiques, mais également le plaisir de l'activité créatrice. Le règne de l'esprit malin (1917), La guérison des maladies (1917), Les signes parmi nous (1919), Présence de la mort (1922), La séparation des races (1922) appartiennent au premier groupe; Salutation paysanne (1919), Terre du ciel (1921), Passage du poète (1923), au deuxième.
L'expression de Ramuz se fait dès lors de plus en plus personnelle. La critique, en particulier en France, accueillera très mal les audaces stylistiques et la libre disposition de la langue et de la composition narrative dont fait preuve Ramuz. De grands noms de la littérature reconnaîtront cependant le talent de l'écrivain dès la fin des années 20, parmi lesquels Paulhan, Gide, Claudel, Cocteau, Aragon.
Cette période de l'oeuvre ramuzienne atteint son apogée dans les années 20, avec des romans tels que L'amour du monde (1925) ou La grande peur dans la montagne (1926).
La fin des années 20 et le début des années 30 voient Ramuz atteindre la pleine maturité avec La beauté sur la terre (1927), Adam et Ève (1932), Derborence (1934), Le garçon savoyard (1936). Les personnages y incarnent les grands projets mythiques de l'homme. Le courant lyrique et poétique y est au service d'une vision tragique de l'homme pour qui seule la mort est au bout de la quête.
À cette période de maturité, correspondent des essais (Taille de l'homme (1933), Questions (1935), Besoin de grandeur (1937)) dans lesquels Ramuz reprend les thèmes mythiques de ses romans, la nature, le paysan, l'ordre, la liberté, l'argent, le travail, et où il s'interroge, conscient des périls qui menacent alors l'Occident, sur les vérités premières à défendre et à maintenir
La dernière période de la vie de Ramuz, marquée par la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, laisse une grande place à la rétrospection, aux souvenirs (Paris, notes d'un Vaudois (1938), Découverte du monde (1939), qui voisinent avec des textes, en particulier des nouvelles (La guerre aux papiers (1942), Nouvelles (1944), Les servants et autres nouvelles (1946)).
A partir de 1940, les accidents de santé ne lui laissent plus guère de répit.
Charles-Ferdinand Ramuz est mort le 23 mai 1947

En 2005, La Pléiade a publié les romans de Ramuz en deux volumes.

En conclusion à cette biographie, une citation de Ramuz sur son œuvre. Mai 1940

"J'aurais voulu que mes personnages fussent suffisamment humains pour être parfaitement accessibles aux autres hommes, d'où qu'ils proviennent. J'aurais voulu réconcilier la région et l'univers, le particulier et le général, appuyé fortement sur un coin de pays, mais tâchant de le déborder par l'ampleur des sentiments qui y trouvent naissance, et qui le dépassent pourtant jusqu'à rejoindre par delà les frontières de mêmes sentiments nés d'ailleurs, mais analogues à leur sommet (si j'ose dire), car il y a quand même une communauté humaine".


Bibliographie  

Citation :
Index: (cliquez sur les numéros de page pour y accéder directement)

1903 Le Petit Village (poèmes), Page 15
1905 Aline, Page 4, 10,  13, 22,
1906 La Grande Guerre du Sondrebond,
1907 Les Circonstances de la vie, Page 24,
1908 Le Village dans la montagne, Page 10, 20
1908 Jean-Luc persécuté, 31 ,
1910 Nouvelles et Morceaux, Pages 5, 6, 7
1911 Aimé Pache, peintre vaudois, Page 5
1913 Vie de Samuel Belet, Pages 4, 11, 12, 16, 20, 28
1914 Raison d’être,
1914 Adieu à beaucoup de personnages et autres morceaux, Page 6
1914 L’Exemple de Cézanne, Page 18
1914 Chansons,
1915 La Guerre dans le Haut-Pays,
1917 Le Règne de l'esprit malin, Page 5
1917 Le Grand Printemps,
1917 La Guérison des maladies, Pages 5, 6,
1919 Les Signes parmi nous, Page 5
1920 Histoire du soldat, Page 19
1920 Chant de notre Rhône, Page 26
1921 Salutation paysanne et autres morceaux,
1921 Terre du ciel, Page 5
1922 Présence de la mort, Pages 5, 7, 14
1922 La Séparation des races, Pages 5, 12
1923 Passage du poète (ou Fête des vignerons), Pages 15, 17, 20,
1925 L'Amour du monde, Page 5, 22, 23, 29
1925 Le Cirque,
1925 Joie dans le ciel, Page 17
1926 La Grande Peur dans la montagne, Pages 1, 2, 9, 13, 19, 20, 21,
1927 La Beauté sur la terre, Pages 1, 6, 13, 14, 21,
1927 Vendanges,
1928 Forains,
1928 Six cahiers,
1932 Farinet ou la fausse monnaie, Page 25
1932 Hommage au Major,
1932 Portes du lac,
1932 Adam et Eve, Page 6
1933 Une main, Page 29
1933 Taille de l’homme,
1934 Derborence, Pages 1, 2, 8, 10, 11, 16, 17, 18, 19, 20,
1935 Questions,
1936 La Suisse romande,
1936 Le Garçon savoyard, Page 17
1937 Besoin de grandeur,
1937 Si le soleil ne revenait pas, Pages 3,  12, 19, 20,
1938 Paris, notes d'un Vaudois,
1938 Une province qui n'en est pas une,
1939 Découverte du monde,
1940 L'Année vigneronne,
1941 Œuvres complètes, Page 7
1942 La Guerre aux papiers,
1943 Noces et autres histoires russes,
1943 Pays de Vaud,
1943 Vues sur le Valais,  
1943 René Auberjonois,
1944 Nouvelles,
1946 Les Servants et autres Nouvelles, Page 13
1946 Histoires (un homme - la vieille Rosine - le petit enterrement), Pages 15
 
Posthumes
1947 Carnet de C.-F. Ramuz. Phrases notées au hasard des lectures,
1948 Les grands moments du XXe siècle français,
1949 Fin de vie,
1949 Journal. Dernières pages 1942-1947, Pages 4, 6
1951 L'Exemple de Cézanne, suivi de Pages sur Cézanne,
1951 Chant de Pâques,
1951 Le Village brûlé,
1956 Lettres 1900-1918,
1959 Lettres 1919-1947,
1967 C.-F. Ramuz, ses amis et son temps,
1975 La Vie meilleure / Les Âmes dans le glacier,
1982 Nouvelles, croquis, morceaux,
1984 Aujourd'hui : revue littéraire dirigée par C.-F. Ramuz et Gustave Roud,
1984 Critiques d'art,  Pages 28
1986 À propos de tout,
1987 Critiques littéraires,
1989 Correspondance Ansermet / Ramuz (1906-1941),
1990 Montée au Grand Saint-Bernard,
1992 Le Gros Poisson du lac,
1999 Notes du Louvre 1902-1903,
 
Poésie et théâtre, Pages 4, 7
 
Livres SUR Ramuz :
Identités de C. F. Ramuz de Jean-Louis Pierre, Page 15
Le grand voyage de Ramuz de Stéphane Rochette Page  18
 
Les adaptations au cinéma : Page 15
 
Citation :
Mise à jour le18/11/2016, page 31
 


Derborence
 
Un vrai coup de coeur ce livre!...il date de 1936....je ne connaissais même pas Ramuz et son oeuvre immense!
 
Ramuz a fondé ce roman sur un fait divers.
Un pâtre, qui avait disparu et qu'on croyait mort, avait passé plusieurs mois enseveli dans un chalet, se nourrissant de pain et de fromage...
 
Depuis une semaine, Antoine, un jeune berger, est monté avec Séraphin, son oncle par alliance, à l'alpage de Derborence. Mais sa jeune femme, Thérèse, lui manque. Ils ne sont mariés que depuis deux mois.
Derborence est une combe en contrebas du col d'Anzeindaz, au pied du glacier qui dominent les Diablerets.
La nuit avance, et Antoine s'endort. Soudain, la montagne s'écroule. Antoine et Séraphin sont ensevelis.
Mais Antoine est-il bien mort le jour où la montagne s'est mise en colère ?
 
Deux mois après, un soir, Thérèse croit reconnaître sa voix et sa silhouette amaigrie et pâle. Est-ce une vision ou un miracle ? Un survivant ou un spectre ?
 
Ramuz ne se limite pas à un récit des faits, de la catastrophe. Il présente une analyse du comportement des villageois face à ces événements.


Dernière édition par églantine le Ven 18 Nov 2016 - 16:33, édité 14 fois (Raison : mise à jour)
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyLun 18 Juin 2007 - 19:07

Ah c'est notre star! *j'habite Marseille mais je suis à moitié vaudoise*
Je n'ai jamais lu Derborence mais c'est son titre qui m'attire le plus.
J'ai vu au cinéma une adaptation de "la grande peur dans la montagne", qui devrait passer sur la 3 d'ici peu. J'ai cru comprendre que ce film retranscrivait assez bien l'ambiance du livre. C'est vraiment le point fort de Ramuz : créer toute une atmosphère dans laquelle on est comme pris au piège. Il a un style assez particulier, c'est le roi de la répétion, ça a un côté un peu "terroir montagnard", mais ça ajoute au charme Very Happy
En revanche, je suis froussarde et j'ai été plutôt terrorisée par certains aspects de l'adaptation du téléfilm, pourtant revu de façon plus optimiste. J'ai donc abandonné le livre au bout d'une soixantaine de page, par peur et certainement pas par désintérêt, au contraire. Je conseille donc aux plus valeureux que moi de s'y essayer!
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMar 19 Juin 2007 - 2:00

kalistina a écrit:
Je n'ai jamais lu Derborence mais c'est son titre qui m'attire le plus.

Fonce! Wink
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptySam 15 Déc 2007 - 20:04

La grande peur dans la montagne

"La Grande Peur dans la montagne" pourrait être qualifié de formidable coup de bluff au sens noble du terme, à savoir que le talent de Ramuz conduit le lecteur selon la bonne volonté de l'auteur, lui faisant croire tout et n'importe quoi sans jamais rien affirmer.
L'histoire est assez simple. Un alpage est abandonné depuis une vingtaine d'années. La commune rurale de Sasseneire, propriétaire du bien, est pauvre et ses finances auraient bien besoin du produit de la location de cette partie de montagne. Vingt ans auparavant, un drame s'est produit là-haut, attribué au Malin, un événement mystérieux dont on ne sait pas grande chose si ce n'est qu'il y a eu des morts. Depuis, plus personne n'y est retournée. Le président du Conseil Général convainc une partie des habitants que c'est de l'histoire ancienne, les pâturages sont loués et quelques hommes montent au chalet avec un troupeau.
Tout cela nous est raconté par C-F Ramuz avec une simplicité de langage mêlée à une grande force de narration, fourmillant de détails, dressant le portrait de chacun ou décrivant les ambiances avec beaucoup de réalisme. D'entrée de jeu, Ramuz crée une atmosphère inquiétante avec la seule aide de nuages noirs, de vents bruyants, de silences assommants, de bêtes nerveuses. C'est l'homme qui a peur, sa peur est collective et contagieuse. Beau travail de Ramuz sur la puissance de la rumeur et la terreur face à l'inconnu. Non pas que l'homme soit un pleutre de nature mais la témérité ne fait pas partie de ses valeurs essentielles. Ramuz ne condamne pas, il n'ironise pas, il se contente de raconter.
Alors que le lecteur commence à se dire que ces paysans ont peur de peu de chose, une étrange maladie (fièvre aphteuse, grippe animale, quelque chose de ce genre, maladie contagieuse qui décime rapidement le troupeau) que Ramuz ne nomme pas ajoute un caractère inquiétant à la peur ambiante. Il n'en faut pas plus pour que chacun devienne fou et ce qui devait arriver arrive: la mort. L'un puis l'autre et ainsi de suite. A chaque fois un concours de circonstances, mais en-bas, on associe cela à l'œuvre du démon, la montagne est maudite.
C'est le récit d'un début et d'une fin, avec entre les deux de la peur et rien d'autre. Qu'est-ce qui provoque cette terreur? Nous ne le saurons pas avec exactitude. Il y a bien quelques pistes: maladie du bétail qui semble d'origine naturelle, tempête violente, éboulement de gravas… mais derrière tout cela règne une ambiance noire et morbide (quel chic pour cela chez Ramuz!) qui finit par empêcher toute explication rationnelle. C'est le grand message de ce livre: la peur empêche de réfléchir rationnellement et d'agir efficacement, elle peut mener à tout, même (surtout?) au pire.
Belle lecture prenante, un livre qu'on lit d'une traite, en imaginant qu'il se trame une sombre machination là-haut alors qu'elle se passe avant tout dans notre tête.
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptySam 15 Déc 2007 - 20:04

La beauté sur terre

Juliette, une jeune réfugiée cubaine, débarque en plein canton de Vaud, retrouver un oncle qui y tient une auberge.
Une femme magnifique qui aura tôt fait d'attiser la convoitise. Perle de beauté que Ramuz décrit avec une poésie élogieuse et troublante (un véritable talent pour ce faire!), Juliette se trouve confrontée à des tempéraments rudes, des montagnes à perte de vue et un paradis qui n'en est peut-être pas un.

Ramuz déploie toute sa subtilité et ses qualités d'écriture pour parler de Juliette, de sa nouvelle vie, du monde qui l'entoure et des difficultés que l'arrivée d'un bijou exotique peut provoquer dans un village de montagnards.
Travail délicat car il serait simple de tomber dans la facilité et le cliché à bon marché; il n'en est rien. Juliette est cubaine, elle aurait pu finalement être de n'importe où, sauf de là. C'est tacitement la question de l'arrivée d'un élément neuf, étranger, perturbateur, qui est soulevée à chaque page. Celle de la tolérance et de l'accueil d'autrui. Du regard que les extérieurs peuvent aussi porter sur un monde qu'on estime invulnérable et au-dessus de toutes les valeurs morales.
Juliette sème la pagaille dans le village, à cause de sa grande beauté. Ramuz serait-il sexiste? Non! Il serait plutôt visionnaire et humaniste. En plus d'être un grand poète.
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyDim 16 Déc 2007 - 1:23

Derborence avait été pour moi une vraie bonne découverte...Tu me donnes envie de lire ces autres romans de Ramuz...
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyDim 16 Déc 2007 - 7:40

Je garde un très bon souvenir de "La grande peur dans la montagne" dont nous parle si bien Sahkti en mettant l'accent sur l'atmosphère oppressante de ce récit.
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMar 23 Sep 2008 - 20:29

Coline a écrit
Citation :
Bellonzo...viens compléter le fil Ramuz...

C'est vrai que les auteurs qu'on aime nous semblent bien trop délaissés.Mais je n'ai que peu lu Ramuz,je sais seulement qu'il a collaboré avec Stravinski et que sa prose possède un souffle rare.Mais je n'ai lu que La grande peur....Je vais essayer d'améliorer mon score ramuzien.
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMer 24 Sep 2008 - 0:11

Bellonzo a écrit:
Coline a écrit
Citation :
Bellonzo...viens compléter le fil Ramuz...

Je vais essayer d'améliorer mon score ramuzien.

Il faudrait aussi que j'améliore le mien... content
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MessageSujet: Ramuz et Stravinsky (ou plutôt : Stravinsky et Ramuz)   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMer 24 Sep 2008 - 2:17

Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] 80 eh bien de mon côté tout le peu que je sais de Ramuz (je veux dire : de textes de Ramuz) c'est à travers la musique de Stravinsky que je le sais (en revanche je le sais à peu près par coeur) !
Voici d'abord ce que j'ai trouvé d'après le petit "Stravinsky" de la collection Solfèges, écrit par Robert Siohan (Seuil, 1982) et des extraits de "Souvenirs sur Igor Stravinsky" de Ramuz (Séquences, édition 1997) :

Citation :
En 1915, pour se mettre à l'abri de la tourmente qui sévit sur l'Europe, Stravinsky s'installe pour plusieurs années dans le canton de Vaud. C'est là qu'il rencontre Ramuz, et se lie d'amitié avec lui. De leur fructueuse collaboration naîtront plusieurs oeuvres : Pribaoutki, Renard, Noces et Histoire du Soldat.

Ramuz raconte sa première rencontre avec Stravinsky, lorsque celui-ci lui est amené par Ansermet : "Aucune discussion artistique ou esthétique, si je me rappelle bien; mais je revois votre sourire devant le verre plein, le pain qu'on apportait, la chopine fédérale ... J'ai lié connaissance avec vous dans et par l'espèce de plaisir que je vous voyais prendre aux choses, et les plus "humbles" comme on dit, et en tous cas les plus élémentaires... Je vous regardais bien dans votre corps sur cette terrasse de la Crochettaz, et vous représentiez déjà pour moi cette chose si rare qu'est un homme au sens plein du mot ...: un raffiné et en même temps un primitif, ... capable des combinaisons de l'esprit les plus compliquées et en même temps des réactions les plus spontanées et les plus directes."

Ramuz adapte en français les textes russes écrits ou choisis par Stravinsky. Il évoque le difficile passage du russe au français : "... les difficultés n'étaient pas petites et eussent fourni matière à d'interminables discussions. Elles n'ont pourtant jamais été longues entre nous. Une espèce d'accord intime et préalable y présidait..."

Renard

C'est à l'occasion de Renard que les deux hommes commencent à collaborer. L'argument de cette histoire burlesque est un épisode du Roman de Renart. Il présente les aventures de M'sieur Coq, orgueilleux, vain, et surtout stupide au point de se laisser prendre aux balivernes de son ennemi le renard. Celui-ci sera bien sûr puni de ses méfaits, griffé, mordu et lapidé par la gent animale. Stravinsky avait imaginé une représentation scénique avec bouffons, danseurs et acrobates, et le texte était confié à un quatuor vocal masculin intégré dans l'orchestre.

Noces

Ramuz décrit malicieusement Stravinsky composant dans les combles de sa maison de Morges "une musique chaque jour plus agressive et plus bruyante, moins faite chaque jour pour mériter son nom auprès des braves gens ... qui ne la concevaient guère que "douce" comme ils disaient ou "harmonieuse" comme ils disaient encore".

Le sujet de Noces tient tout entier dans les préparatifs affairés d'une cérémonie de mariage chez des paysans russes, avec, pour épilogue, la scène de bombance traditionnelle. Les personnages sont les fiancés, leurs parents, et la foule des oncles, tantes, cousins, amis, voisins, accourus à la fête.

Au début la fiancée se lamente "sur la perte de ses tresses, signifiant la fin de sa virginité". Puis interviennent "les amis de noce, le père et la mère puis tous les autres personnages à la fois ... La gausserie se met de la partie, les plaisanteries vont leur train", avant l'invocation à la Vierge et aux Saints.

Le quatrième et dernier tableau, le plus développé, commence par le repas de noces :"Ils mangeaient, buvaient et chantaient tout à la fois, dans une magnifique confusion, qui n'en avait d'ailleurs que l'apparence parce que dessous, soutenant tout le système, régnait le plus minutieux calcul ... Le texte, cependant, ne manquait pas non plus de précisions :
... aime bien ta femme
aime la comme ton âme
tremble la comme un prunier ...
Il ne manquait même pas à la scène le vieil ivrogne de chez nous ..." Et finalement, la porte de la chambre se referme sur les mariés.

Histoire du soldat

L'idée de Stravinsky et Ramuz est de créer une histoire simple, qui sera "lue, jouée et dansée" dans un théâtre ambulant qui pourra aller distraire le public jusque dans les villages.

Ils ont choisi un conte populaire russe, que Ramuz adapte en français. C'est l'histoire d'un pauvre soldat qui joue du violon sur le chemin du retour au village. Il rencontre le diable, avec qui il échange violon contre richesse. Mais, découvrant qu'il lui manque l'essentiel, il préfère redevenir pauvre soldat. Ayant réussi à reprendre le violon au diable, il charme une languissante princesse. Devenu prince, mais toujours insatisfait, il veut revoir son village natal. Mais "un bonheur est tout le bonheur; deux, c'est comme s'ils n'existaient pas". Le pauvre soldat a tout perdu et le diable triomphe.

Le récitant et les trois personnages sont accompagnés d'un singulier petit orchestre avec trombone, contrebasse, violon, basson, batterie, piston et clarinette. "Cette fois-ci il n'est plus question de chansons russes. Une marche d'allure bonnasse, avec des relents de sonnerie militaire, voisine avec une autre marche s'inspirant de paso-doble espagnol; une valse d'origine viennoise, un tango argentin, un rag time américain défilent côte à côte. Le miracle est dans l'unité de style obtenue avec toutes ces formes disparates".
*

* Je relève dans le commentaire sur l'Histoire du soldat la nomenclature d'un "singulier petit orchestre" ! Et pour cause ! Tous les hommes étant sur le front il ne restait plus tant de musiciens disponibles dans ces temps incertains, puis le côté "faire avec ce qu'on a sous la main" a toujours enchanté Stravinsky. C'est vrai qu'il rêva même de faire voyager musicos et autres interprètes dans une roulotte qui irait donner l'oeuvre de village en village...

Je ne sais pas à quoi tient l'accord esthétique Stravinsky-Ramuz (je connais assez bien le premier, assez mal le second). Une manière de cynisme - forme et fond - traverse toute l'oeuvre du musicien à travers ses différentes périodes, ses visages successifs.
Cynisme de forme : Stravinsky considère une composition en cours comme "un problème à résoudre" ; il semble toujours démonter le mécanisme des oeuvres qu'il prend pour modèle, et les reconstruire à sa façon, - divinement boiteuse (jugement perso !)
Divinement boiteuse lui va bien je trouve, car le diable est souvent de la partie de façon bien concrète. Que ce soit dans l'Histoire du soldat ou 30 ans plus tard dans Rake's Progress (d'après un poème de Auden) le diable est là, bien là, et toujours vainqueur. Une sorte de figure de la fatalité qui se retrouve dans bien d'autres compositions (Oedipus rex, Orphée, Jeu de cartes)...
Divinement boiteuse... Igor apprivoise magistralement le diabolus in musica ! Les gentilles moqueries de Ramuz quant à la musique de son collaborateur ne jugeant que l'oreille du littérateur.
(Reste que l'orchestre de Renard aux bruyantes cymbales n'est pas toujours des plus délicats question raffinement de timbre... Mais les notes sont choisies, - pesées, composées, au-delà du souci d'une écoute ordinaire...) Les Noces - forme et fond, musique et texte, sont une oeuvre déchirante - car si Stravinsky traverse toujours les ridicules des hommes il souligne leur détresse, et si l'aventure finit mal le plus souvent, il s'arrange toujours pour en tirer une leçon de beauté (je pense en l'occurrence au final des Noces, à deux voix, sur le martèlement lent des percussions métalliques. La version la plus jouée est pour choeur, 4 pianos et percussions, effectif non moins étrange que celui de l'Histoire du soldat). (*)

Forme et fond le cynisme de Stravinsky n'est pas stérile... Il déteste les "cogitations" sur son art (et en toute chose) extérieures à l'acte de produire. C'est peut-être là que le côté "pain couteau et vin sur la table" - conception et travail dans le concret -, réunit Ramuz et Stravinsky : Paysannerie et artisanat, pieds sur terre et construction tangible... (Ca aussi c'est assez divin !)

(*) De l'Histoire du soldat je vous recommande la version enregistrée dirigée par Igor Markevitch (je la vois régulièrement dans les bacs) version avec Jean Cocteau, récitant, et Peter Ustinov le diable... (Ramuz par Cocteau vous allez kiffer vous qui aimez les Lettres !)
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyMer 24 Sep 2008 - 13:13

Merci de cet "éclairage tout musical" sur Ferdinand Ramuz... content
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyDim 2 Nov 2008 - 16:28

La grande peur dans la montagne

quatrième de couverture a écrit:
Le pâturage abandonné de Sasseneire est-il vraiment maudit comme le croient les anciens ? Quelques bergers incrédules, pour s'en assurer, décident d'y conduire le troupeau. La montagne leur réserve sa
terrible réponse. Dans ce roman qui tient de l'étude de mœurs et de l'épopée tragique, Ramuz, avec virtuosité, passe insensiblement du sourire à l'inquiétude, de l'inquiétude à l'horreur...
j'avais commencé je ne sais quel autre livre de Ramuz il y a un peu trop longtemps, on me l'avait un peu "collé dans les mains" et je l'ai rapidement abandonné mais pas sans garder une troublante description d'herbe rose et un sentiment d'étrangeté. Du coup j'y repensais de temps en temps et l'autre jour en trainant chez le libraire (c'est pas comme si on pouvait avoir des trucs à lire à la maison, n'est-ce pas ?) j'ai pris La grande peur dans la montagne. D'une pierre deux coups, nouvel essai attendu avec l'auteur et satisfaction de l'envie d'un truc un peu bizarre un peu surréaliste, un peu sombre, prophétique ?

Petite préface de Jacques Chessex et c'est parti, c'est vite parti. Ambiance, c'est un peu lancinant. On sait que c'est mal barré mais on ne sait pas encore comment ça va mal tourner. D'entrée la marge de manoeuvre est faible chez ces montagnards et leurs vaches qui n'ont pas grand chose à brouter. On comprend vite que les vieux sont du solide et que les jeunes, avec leurs aspirations de jeunes gens simples (petit mariage tranquillou), sont peut être simples mais ça ne les empêche pas de se bouger à leur manière. Le problème c'est que dans ce milieu un peu hostile on est pas à l'aise. Et ça ne s'arrange pas. La montagne, le ciel, la lumière, l'obscurité... On sent l'eau fraiche des torrents, la chaleur écrasante du soleil, l'air trop pur... faussement rustique ou vraiment culturellement différente la langue de Ramuz sans prendre la peine d'avoir l'air de ne pas y toucher charge l'atmosphère sans jamais revenir en arrière. Efficace et choisi. ça marche. ces foutues descriptions de la lumière qui change, du temps, ça marche et c'est génial, c'est diablement vivant. Mais c'est pas humain. Les humains, eux, sont mystérieusement humains... et il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que tous à côtés les uns des autres (ou plus loin, comme cet obscure Clou) ils sont bien seuls...

Citation :
Il y a eu cette première journée plutôt courte quant au soleil qui est vite caché pour nous. Vers les cinq heures, déjà, on l'a vu qui commençait à être attaqué et à être mordu dans sa parte d'en bas. Ce jour là, c'était une sorte de corne surmontant une des arrêtes; elle est entrée en coin dans le bas du soleil, comme quand on veut fendre une souche.
Le soleil fut fendu, en effet, d'un bord à l'autre. On voyait là-haut ses deux parties s'écarter toujours plus; puis elles tombèrent chacune de son côté, comme si elles allaient vous rouler dessus. Deux gros tisons d'un rouge sombre, qui cependant restaient suspendus, mais ont vite diminué de grosseur. Et, ensuite, ce fut comme si la corne, puis la paroi la supportant se mettaient à pencher, penchaient de plus en plus; et elles ont laissé se détacher d'elles leur ombre qui a été sur nous, puis on l'a vue courir en arrière de nous grimpant aux pentes avec une grande vitesse, les pentes d'herbe d'abord, puis les premiers rochers; tandis que les choses changeaient d'aspect, et la couleur de tout et même le climat changeaient.
On passait tout d'un coup d'une saison de l'année à l'autre, et du coeur de l'été à une fin d'automne, sans aucune préparation, en même temps qu'on tombait de plusieurs heures dans la journée et vers la nuit. Le soleil caché, c'est déjà ici comme si la journée était finie : c'est pourquoi elles sont si courtes.

Impression d'impénétrable tant dans le secret de la montagne que dans les gens, l'impression de village coupé du reste du pays, et des individus qui ne se livrent pas... lecture presque physique, un peu folle, pas lolin d'une forme d'ivresse...

Citation :
Il y avait deux nuits qu'il n'avait pas dormi; il est devenu raisonnable, ayant passé le bras dans la bretelle de son arme; puis il met les mains dans ses poches; et en même temps qu'il devenait raisonnable, il devenait toujours plus triste dans son coeur.

Les nombreuses répétitions rapprochées utilisées par Ramuz feraient penser à une histoire orale à l'ancienne (je connais mal, mais en tout cas ça m'a fait pensé à l'aventure mystérieuse sur africa n°1). Le côté je trace ma route avec une apparente simplicité et en utilisant plus l'environnement que les personnages m'a fait penser au Rivage des Syrtes... (pas lu assez de Gracq pour dire que ça m'a rappelé Julien Gracq !)

je garde une pointe de réserve parce que c'est... étrange, ce style mélangé, pas "clair"... mais surtout super curieux d'aller voir plus loin cat

recommandé à toutes celles et ceux qui cherchent à se faire peur sans raison apparente mais à juste titre... Suspect
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyLun 1 Déc 2008 - 0:47

J'ai gardé un souvenir très fort d'une représentation théâtrale à Paris, il y a bien longtemps. On était accueilli comme dans une auberge, avec de quoi boire et manger, puis on nous contait cette histoire pleine de mystère et de superstition. C'était une belle expérience. Il faudrait que je le lise maintenant...
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyDim 14 Déc 2008 - 10:19

Chosee promise,chose due.Si le soleil ne revenait pas j'aurais au moins lu un deuxième livre de CFR.J'y reviens vite.
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MessageSujet: Re: Charles Ferdinand Ramuz [Suisse]   Charles Ferdinand Ramuz [Suisse] EmptyDim 14 Déc 2008 - 19:12

Bellonzo a écrit:
Chosee promise,chose due.Si le soleil ne revenait pas j'aurais au moins lu un deuxième livre de CFR.J'y reviens vite.

Je guette l'arrivée de ton commentaire Bellonzo... content
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